Après le succès au Japon de The Grudge, devenu un film d'horreur culte, le réalisateur Takashi Shimizu a tourné The Grudge 2, la suite qui a elle aussi cartonné au box-office japonais. Les studios hollywoodiens, attirés par l'originalité de l'histoire, ont racheté les droits du premier film, et c'est Takashi Shimizu qui s'est chargé de réaliser le remake de son propre film.
The Grudge a été entièrement tourné au Japon. Pour Sam Raimi, il était hors de question de transposer l'histoire aux Etats-Unis. "La puissance du récit, son climat s'en seraient trouvés appauvris. (...) La peur qui naît du film naît aussi des lieux dans lesquels l'action se déroule".
La petite colonie américaine de l'équipe a donc dû se plier aux usages locaux : cérémonie de bénédiction avant le début du tournage, obligation de retirer ses chaussures avant de pénétrer sur le plateau, interdiction d'y apporter de la nourriture... Le plus étonnant pour Sarah Michelle Gellar reste le fait qu'au Japon, pour les scènes tournées en extérieur, en pleine ville, les rues ne sont pas fermées à la circulation et artificiellement peuplées de figurants, comme c'est le cas aux Etats-Unis, mais ouvertes aux passants qui y circulent.
The Grudge, non content d'être tourné au Japon, avec le réalisateur de Ju-On aux commandes, redonne leur rôle à certains des interprètes du film original (Takako Fuji et Yuya Ozeki, qui incarnent respectivement Kayako et Yuya-kun, les fantômes).
L'immense succès de Ju-On en Asie finit par attirer l'attention du producteur exécutif Roy Lee, déjà producteur du remake américain de Ring. Un journaliste, Alvin Lu, lui envoya une cassette du film. "Même sans aucun sous-titrage, ce film m'a terrifié", confie le producteur, qui s'empressa alors de confier le soin d'une adaptation en anglais au scénariste Stephen Susco , grand amateur du genre, pour qui les films d'horreur asiatiques " repoussent sans cesse les limites du genre, contrairement aux films d'horreur américains qui finissent par devenir répétitifs aussi bien dans les décors que dans les situations".
Intervient ensuite Sam Raimi, que Roy Lee a également contacté, et qui convaint Takashi Shimizu de remettre le couvert, avec un budget bien plus confortable. La boucle est bouclée.
Sam Raimi, le réalisateur de Spider-Man 1 et 2, avoue avoir été "pris aux tripes" lorsqu'il a découvert Ju-On. " Il s'agissait d'un film à buget modeste mais qui révélait le talent de celui qui l'avait écrit et réalisé. J'ai tout de suite eu envie de lui apporter les moyens d'aller au bout de ses ambitions. Il ne s'agissait pas pour moi d'américaniser le film, mais de donner à un talent exceptionnel l'occasion de s'exprimer complètement ". Ainsi est-il devenu le producteur de ce remake.
Takashi Shimizu ne parle quasiment pas un mot d'anglais. Lorsque Sarah Michelle Gellar l'a rencontré pour la première fois, il l'a acceuillie avec une citation de La Guerre des étoiles, en lui expliquant qu'il avait tiré de la trilogie le peu de connaissance qu'il avait de la langue de Shakespeare. Pour le tournage, il fallut donc recourir à un interprète. Au début, surtout, puisque l'acteur Jason Behr explique avoir développé avec le réalisateur un certain nombre de codes qui leur permettaient de dépasser la barrière de la langue.
Au final, Takashi Shimizu s'est servi de ces difficultés à communiquer pour soutenir son travail de mise en scène : "Je savais que la plupart des acteurs n'étaient jamais venus au Japon et s'attendaient à ce que je leur donne des indications sur leur rôle. J'ai délibérément ignoré cette attente pour les déconcerter et créer une tension nerveuse qui finalement nourrit leur jeu".
Takashi Shimizu prête sa voix à Kayako, la femme-fantôme, dans la version originale de The Grudge. "C'est moi qui fait le cri lugubre que pousse parfois Kayako, explique-t-il.Petit, j'aimais faire des vocalises à tel point que mes parents me reprochaient régulièrement de faire des bruits bizarres. Mais je savais qu'ils me serviraient un jour : la bizarrerie finit toujours par être utile".
Selon le producteur Taka Ichise, le scénario a du être remanié pour s'adapter aux goûts occidentaux. "Dans les films d'horreur japonais, il est fréquent que l'intrigue reste un peu floue, sans dénouement précis. Un Japonais considère cette ouverture finale comme un effet de terreur supplémentaire. Le spectateur américain, lui, préfère que l'histoire ait une conclusion".
The Grudge récupère le mythe de la maison hantée, et tâche de le réinventer. Takashi Shimizu était décidé à "réaliser un film d'horreur d'un tout autre genre montrant les fantômes, en les matérialisant plutôt que de les présenter sous forme de spectres".
Selon l'actrice Kadee Strickland, la peur que font naître les films de Takashi Shimizu vient de la façon dont le réalisateur manie des images familières :"Il questionne nos représentations en nous amenant à douter d'éléments de notre quotidien (...) d'ordinaire considérés comme fragiles et inoffensifs et qui deviennent soudain susceptibles de cacher autre chose. Takashi a l'art de "défamiliariser" notre environnement coutumier, ce qui a pour conséquence de le rendre étrange et inquiétant".
Sarah Michelle Gellar icône du cinéma d'épouvante ? C'est ce que sa filmographie peut laisser penser. En effet entre Souviens-toi... l'été dernier et Scream 2 et plus encore avec son personnage de tueuse de vampire intrépide dans la série Buffy contre les vampires, la jeune comédienne accumule les rôles horrifiques. Pas surprenant de la retrouver dans The Grudge...
Très à la mode ces dernières années, le cinéma d'horreur ou d'angoisse japonais s'exporte de plus en plus en Europe et aux USA. Ainsi a-t-on pu découvrir récemment Le Cercle - The Ring, le remake américain de Ring avec Naomi Watts. Ring 2, toujours réalisé par Hideo Nakata, aura également son remake américain. La vogue nippone ne s'arrête pas là : Dark water, Battle royale, ou encore The Eye ont été des succès aussi bien dans leur pays qu'à l'étranger.
Ted Raimi, qui incarne Alex dans le film, n'est autre que le petit frère du réalisateur -et ici producteur- Sam Raimi.