« Peyton Place » c’était un souvenir d’enfance, une série vaguement lointaine et une impression d’interminable. 2h30 de film, je me décide à le voir quand même vers 23h30 pour trouver le sommeil en me disant que je regarderai la suite le lendemain matin. Bien mal m’en a pris ou bien m’en a pris, je n’ai pas vu le temps passé malgré les saisons qui défilent à Peyton Place, ses commérages et ses drames. « Peyton Place » est avant tout un roman signé de Grâce Metalious. Il aurait fait scandal à sa sortie. Pourtant "Peyton Place" est un village imaginé de La Nouvelle-Angleterre. Il semblerait que le ton employé par l’auteure était pour l’époque moderne en faisant la part belle à l’émancipation de la femme dans une bourgade perdue de cet Etat. Un livre féministe sans aucun doute. Une ode à la sensualité, à la sexualité, du droit de disposer de son corps. Ce film des années 50 emploie à plusieurs reprises le mot « sexe ». « Peyton Place, les plaisirs de l’Enfer » est un film décomplexé comme à l’image de son auteure. Allison McKenzie (Diane Varsi), l’un des personnages-clés du film va plus loin : elle avoue à Norman (Russ Tamblyn) que la sexualité n’intéresse pas que les hommes, les femmes aussi. Ce qui pour l’époque devait être audacieux. A sa mère, par provocation, elle lui annonce qu’elle aimerait avoir des amants. Que ce soit Allison, Betty (Terry Moore), Norman et dans une autre mesure, le proviseur (Lee Philipps), le sexe est noblement connoté ; il est envisagé comme une étape future à la fois nécessaire et inévitable pour son épanouissement personnel et l’épanouissement du couple. Par contre, quand il n’est pas employé, il est un mauvais souvenir, une relation adultère dans la bouche de Constance McKenzie, l’élégante Lara Turner, mère d’Allison ; ou sali et violent pour Selena Cross, violée par son beau-père. J’aurais tendance à dire que ce drame du viol qui entache la victime résonne avec notre actualité. Mais peut-on, ou doit-on parler « d’actualité » tant ce crime existe depuis la nuit des temps ? Si on raisonne ainsi, tout crime est nécessairement « d’actualité ». Le viol ne devrait plus jamais être d’actualité. Autre point du scandale, et le plus important : oser toucher à l’apparence. « Peyton Place » est décrit comme un village ou petite ville coquette, bourgeoise, sans histoire, paisible, fraternelle où il fait bon vivre. Plusieurs petites villes de la Nouvelle-Angleterre peuvent se reconnaître dans « Peyton Place ». Ce peut-être n’importe quelle ville, c’est ce que rapporte à plusieurs reprises Allison dans « Les lauriers sont coupés », la suite « Les plaisirs de l’Enfer ». Sans doute, certaines petites villes se sont senties visées pour crier au scandal. « Peyton Place » n’est qu’un vernis. En grattant et sans se forcer pour autant, on s’aperçoit qu’en ouvrant les portes ou les coeurs se cachent de lourds secrets, des drames. Pourtant, ça n’a rien d’exceptionnel, aucune famille n’échappe à des conflits. Or « Peyton Place » se voudrait parfaite. On s’aperçoit que la soi-disant fraternité entre les habitants n’est qu’une illusion de plus, une fraternité qui fracture et qui ne fait rien pour rassurer, soutenir ou dissiper tout sentiment de honte qu’une victime peut ressentir. L’intervention du docteur Swain (Llyod Nolan) dans le procès de Selena en est la parfaite illustration. Enfin, « Peyton Place » ce n’est pas que l’émancipation de la femme, c’est l’émancipation de la jeunesse. Celle qui veut s’affranchir de la morale, de l’éducation rigide des parents. Outre Allison, Betty invite Rodney (Barry Coe) à s’affirmer envers son père. Non pas pour le manipuler en s’aidant de ses atours, ni pour profiter de son argent, mais avec le souci qu’il se définisse par ses propres actes. On peut déceler dans cette émancipation, la tolérance. Accepter la parole de cette jeunesse, accepter leur vision du monde. Ce qui sera aussi illustré dans le second volet « Les lauriers sont coupés » lors d’une séance communale qui opposera l’ancienne génération à la nouvelle. Celle qui veut conserver les apparences en étouffant toutes vérités désagréables à entendre à celle qui veut qu’on la divulgue sans tabou, celle qui permettra d’avancer dans l’avenir. On y retrouve la structure du procès du premier volet. Dans « Les lauriers sont coupés » on n’y retrouve pas les mêmes acteurs. Le proviseur Rossi (Robert Sterling) a été renvoyé pour avoir mis à disposition le livre d’Allison McKenzie (Carol Linley) à la bibliothèque. Or ce livre est évidemment jugé « vulgaire et obscène » même si le livre ne mentionne ni Peyton Place ni les noms des habitants qui alimentent le drame. Personne n’est dupe et tout le monde se reconnaît ou reconnaît telle ou telle personne. Le but de ce « procès » est de confirmer le renvoi du proviseur et d’interdire le livre à la jeunesse de Peyton Place. Ce pseudo procès verra la victoire de la tolérance. Difficilement conquise. Elle permettra aussi se se rendre compte combien le village ne veut pas entendre la parole de l’étranger qu’il soit nouvellement installé comme ce moniteur de ski, Nils (Gunnar Hellström) ou cet éditeur venant de New-York, Lewis Jackman (Jeff Chandler) défendre le livre d’Allison McKenzie. Plus en avant dans le film, Roberta Carter, Mary Astor qui campe impeccablement une mère possessive aigrie (comme l’était la mère de Norman dans le premier film), considérera comme étrangère la femme de son fils Ted (Brett Halsey) - l’ancien compagnon étudiant de Selena (Tuesday Weld) - Raffaella (Luciana Paluzzi). Je me savais sensible mais pas au point d’écrire autant de lignes sur « Peyton Place » et « Return To Peyton Place ». Ces thèmes mille fois abordés et certainement mieux aujourd’hui me touchent et continueront à me toucher parce qu’universels et intemporels. Et quelles que soient les versions proposées du moment où je crois aux personnages et au récit. C’est peut-être un roman à l’eau de rose, peu importe, l’émotion ne se calcule pas et comme tout le monde j’ai mes contradictions ou mes parts d’ombre qui parfois ne s’expliquent pas. Toujours est-il que ces deux films véhiculent des thèmes comme l’intolérance et les préjugés, et ne peux m’empêcher de réagir surtout quand la bêtise humaine se manifeste ! En parlant de bêtises : les titres des films en français. J’aime la V.O mais peux me satisfaire du titre en version française. Mais là ce n’est pas possible. « Les plaisirs de l’Enfer » ????!!!! Une connotation religieuse là-dessous ne m’étonnerait pas. A bannir. Je préfère tout simplement le titre original « Peyton Place ». Quant au second volet « Les lauriers sont coupés », sans commentaire. Je préfère « Return to Peyton Place » plus explicite. Dommage qu’on ne retrouve pas les mêmes acteurs. Mais l’esprit était là et c’est l’essentiel.