Un film visiblement peu connu sous nos contrées, ce qui est assez regrettable car c’est un film très réussi. Peut-être pas le chef-d’œuvre qu’il est chez certains initiés, mais un excellent film malgré tout, et sans doute un si ce n’est le meilleur film chinois des années 30.
Le petit souci que j’ai a relevé dans La Divine, c’est que finalement, tout en évoquant la vie d’une prostituée, et bien on ne la verra jamais exercer, ou tout du moins recevoir des clients. En fait on ne la verra jamais dans son activité de prostituée. Elle déclare elle-même détester cette activité, mais on ne sent pas trop en quoi c’est un poids pour elle, hormis au travers de son fils. A mon sens cela enlève une partie de la force de l’histoire, qui conserve cependant beaucoup d’intérêt. Court, le film va à l’essentiel et il se suit avec un plaisir certain. Cette histoire de femme oppressée par une brute et qui cherche à scolariser son enfant en dépit des critiques de la société est vraiment parfaitement écrite, et évite autant le misérabilisme facile que le message démagogique. La fin est réussie aussi, d’un optimisme doux-amer. Comme quoi, en un peu plus d’une heure, en soignant son récit, on peut donner quelque chose de fort et de consistant, même si comme dit, voire véritablement en quoi l’activité de l’héroïne pèse sur elle, aurait évidemment été la cerise sur le gâteau.
Le casting est très réussi. Pour être franc, c’est surtout Ruan Lingyu qui porte le film, et elle le fait fort bien. Je ne connaissais pas cette actrice décédée très jeune, mais sa prestation ici est remarquable, et rappelle que le surjeu n’est pas forcément un mal constant du cinéma asiatique. Au contraire ici, tout en sobriété, rappelant par bien des aspects Maggie Cheung dans le bien plus récent In the Mood for Love, elle campe une femme digne, raffinée, tentant d’avoir une vie normale en dépit de ses difficultés, et sa prestation aussi forte que subtile est pour beaucoup dans la force du film. Bien qu’étincelante, on soulignera tout de même que le jeune garçon à ses côtés joue lui aussi très juste, et que le professeur chinois qui jouera un rôle déterminant dans la dernière partie du film est parfaitement incarné lui aussi. La brute surjoue un peu, mais rien de problématique.
Quant à la forme elle est à l’image du fond. Beaucoup de sobriété mais beaucoup d’intelligence. Il y a des plans vraiment très beaux, et le réalisateur suit avec une constance du meilleur aloi ses personnages, s’attachant spécialement au visage de l’héroïne, de son fils. Peu d’extérieurs, mais ce plan très réussi sur les illuminations de la ville dans la nuit, et cette capacité à faire échapper le film du registre seulement théâtral par des cadrages originaux et par de vrais effets de dramatisation (le final par exemple). Evidemment le noir et blanc est meilleur que pas mal de films muets, mais il est vrai aussi qu’on est dans un film tardif, puisqu’il date de 1934.
En tout cas très beau film intemporel puisqu’il s’attache aux sentiments, des sentiments toujours aussi actuels. C’est un film aussi court que bien pensé, avec un vrai propos, des acteurs idéaux, et une forme recherché. Il serait regrettable de passer à côté. 4.5, un petit moins du fait de ma remarque sur le scénario.