Alors que le cinéma assiste peu à peu à la fin du muet, John Ford livre en 1928 Four Sons, l'un de ses derniers sans paroles (il n'en fera plus que deux par la suite) où l'on suit le destin d'une mère allemande qui voit trois de ses quatre fils appelés sous les drapeaux allemands alors que l'autre était déjà parti aux États-Unis où il vit marié.
Le cinéma muet de John Ford me surprend de plus en plus et, après l'immense Three Bad Men, voilà Four Sons où, pour l'anniversaire des dix ans de la fin de la Grande Guerre, il va s'intéresser à tous ces hommes tombés pour des pays et aux drames de la perte de vie humaine. Ici il prend les allemands comme il pourrait prendre n'importe quel pays, bien que le symbole soit là, mais il va mettre en scène l'horreur de la guerre, la perte de vie et notamment pour cette mère qui va voir ses fils tombés un par un, en attendant le dernier qui est lui du côté américain.
Il montre, une fois de plus, qu'il pouvait s'attaquer à n'importe quel genre ou sujet, ici il livre un mélodrame d'une incroyable justesse, sans jamais tomber dans la mièvrerie, la glorification inutile ou le patriotisme mais, au contraire, fait ressortir toute l'émotion et la dramaturgie des enjeux et personnages. Il pose un regard tendre et compatissant envers cette mère qui voit la Guerre lui enlever ce qu'elle avait de plus précieux, d'ailleurs tous les personnages sont très bien écrits et souvent attachants, que ce soit les premiers ou seconds (à l'image du facteur) rôles, tout comme l'évolution des péripéties, ce que Ford sublime à travers une mise en scène sobre mais puissante.
De nombreuses séquences sont remarquables que ce soit les anniversaires ou la gifle du début, annonçant la guerre à venir, tout comme les changements de décors, mais aussi les quelques scènes de combat qui sont à la limite du fantastiques, brumeuses et prenantes à souhait. Il trouve toujours le bon équilibre et le ton juste, notamment dans ses choix et sa façon de filmer l'horreur, qu'elle soit au combat ou dans les familles. Les acteurs sont eux aussi excellents, retranscrivant toute l'émotion, les symboles ou la douleur de leur personnage.
Avec Four Sons, John Ford livre un mélodrame d'une incroyable justesse, trouvant toujours le ton juste et sachant faire ressortir toute l'émotion et la cruauté des personnages, enjeux et de cette boucherie.