A.K. est l'un des quelques films qui me manquait pour compléter la filmographie de Marker qui est l'un de mes réalisateurs préférés. A.K. est, comme quasiment tous les films de Marker, un documentaire, mais un documentaire assez spécial dans sa filmographie. En effet, ses films sont d'habitude plus des essais et ceci même lorsqu'il parle de cinéma comme dans le tombeau d'Alexandre ou bien dans Une journée d'Andrei Arsenevitch. Là, à ma connaissance, pour la première et la seule fois, il rend compte de faits.
Son film se rapproche plus d'un « making off » du film Ran de Kurosawa que de ce qu'il peut faire d'habitude. Ce qui se traduit par un film beaucoup moins bavard que d'habitude et où Marker va filmer à hauteur d'homme le tournage du film. Certes on a encore quelques commentaires ici et là, mais ce qui frappe c'est avant tout le fait que Marker décide de laisser, sans doublage ni sous-titre, les membres de l'équipe du film Ran parler, donner des ordres, répéter. Il filme leurs gestes, leurs regards, leurs actions et on n'a pas besoin de plus, on n'a pas besoin de savoir ce qu'ils se disent... on le comprend.
Et c'est ça la force du film de Marker, il arrive à placer la caméra là où il faut, quand il faut, pour que l'action parle d'elle-même, pour qu'on comprenne ce qui se passe, ce qui se dit, même si on ne parle pas japonais et surtout ça permet de ressentir ce qu'a pu ressentir Marker, pris dans un pays étranger dans ce tournage titanesque.
D'ailleurs le parti pris de filmer à hauteur d'homme est juste excellent car il permet de renforcer la démesure du film de Kurosawa. En effet, lorsque je l'avais vu il y a des années maintenant, je n'avais pas remarqué que c'était si fou, je n'avais pas imaginé le labeur que cela devait être que de préparer un tel film... et là, grâce à Marker, je vois les figurants se déguiser, se mettre en rang, porter des drapeaux qui font deux fois leur taille... C'est juste gigantesque.
Je dirais que Marker, avec le talent qu'on lui connaît a réussi à capter l'essence de ce tournage et à montrer que finalement le film est un sujet au moins aussi intéressant et au moins aussi impressionnant que son contenu.
Bref, A.K. est grisant, il me donnerait presque envie de revoir Ran et sans doute de plus l'apprécier.
En tous cas je ne peux qu'être admiratif du travail de Marker pour réussir à filmer ainsi des gens au travail et à les magnifier de la sorte.