Peut-on être objectif à propos d’un film qui symbolise l’éveil à la conscience politique de mes dix-huit ans ? C’est probablement ambitieux, et trompeur car le réalisateur se défend lui-même d’avoir fait des films politiques ! Il n’empêche que Costa – comme l’appelle affectueusement ses amis- a dirigé notre attention dans les années soixante-dix sur les dérives autoritaires d’un certain nombre de régimes de part et d’autre du rideau de fer, renvoyant les chantres doctrinaires des deux camps dos à dos.
Z est tout à la fois un film très daté – la mouvance pacifiste et anti- nucléaire post soixante-huitarde en arrière-plan, des acteurs engagés, le pouvoir de la rue et le seul téléphone fixe comme moyen de communication. Mais également une démonstration intemporelle des méthodes utilisées par les régimes d’oppression pour discréditer leurs opposants. Donc un film toujours d’actualité.
Inspiré de faits réels, la mort du député Lambrakis, le film raconte un assassinat d’état. Il est servi par une l’équipe d’acteurs qui le portent avec une énergie débordante. Les inoubliables Yves Montand, en député d’opposition, convaincu et optimiste de nature, ou Jean-Louis Trintignant, en juge d’instruction incontrôlable aux yeux du parquet, n’ont que des rôles parmi d’autres, oubliant leur statut de stars. Je ne peux pas les citer tous tellement ils sont nombreux : les Denner, Périer, Bozzufi, Fresson, et c’est injuste. Comme est inique, la répression politique qui s’abattra finalement sur leurs personnages.
Cette équipe est entièrement dévouée à Costa-Gavras, le grec parisien qui raconte avec émotion de la dérive de son pays au temps des Colonels. Pour la bande son, Mikis Théodorakis a écrit en exil une musique endiablée, qui s’accélère comme un sirtaki, au fur et à mesure que la recherche de la vérité va aboutir. Et le scénario, souligné par un montage nerveux, suit intelligemment ce rythme saccadé, donnant du coup au film une vivacité et un optimisme incongru dans un contexte d’assassinat téléguidé en sous-main.
La chute finale, un simple énoncé des condamnations et des interdictions édictées par la junte militaire est sobre, mais glaçante. Eternel recommencement, équilibre instable entre progrès et régression sur le chemin de la démocratie.
Il s’agit d’une production franco-algérienne, tourné en partie dans ce jeune pays que l’on croyait démocratique à l’époque. Sans Jacques Perrin, jeune acteur, mais surtout producteur débutant, le film n’aurait jamais réussi à sortir. Avec un œil averti, on peut deviner dans quels quartiers algérois ont été tournées certaines des scènes extérieures. Quel pied de nez à l’époque au système de production français qui n’a pas accepté de financer Z !
Rénové et numérisé, portant haut les couleurs chaudes de la méditerranée, Z est un film « vivant » et sûr de lui - comme le député Montand, Zorro pacifique et désarmé.
Septembre 2015