Considéré comme un maître du cinéma engagé ("L’aveu", "Etat de siège", "Missing" ou le plus récent "Amen"…), Costa-Gavras ne m’avait jamais vraiment attiré. La crainte d’un cinéma austère et moralisateur, sans doute… Pour autant, j’étais assez curieux de voir ce que pouvait donner ce fameux "Z", premier coup d’éclat du cinéaste évoquant l’assassinat du député grec Lambrakis et, plus généralement, de la Dictature des Colonels en Grèce (patrie d’origine de Costa-Gavras). A ce titre, le surprenant avertissement "Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire" sonne comme une profession de foi, qui sera la marque de fabrique du réalisateur. Pour autant, s’il faut reconnaître un talent à Costa-Gavras avec ce "Z", c’est d’avoir su accompagner son propos hautement dénonciateur et polémique d’une mise en scène formidablement abordable et d’un casting terriblement attrayant. Dès le générique d’ouverture et le terrible speech qui s’en suit, on se prend à s’enthousiasmer pour ce brûlot politique (car il s’agit incontestablement d’un brûlot au vu de la description des mœurs du pays). Tout d’abord, il faut saluer l’effort de vulgarisation du scénario qui permet de comprendre les tenants et les aboutissants de l’attentat perpétré. Ce souci de simplification permet au spectateur de se passionner pour cette intrigue et d’enrager contre les manœuvres du pouvoir… sans pour autant sombrer dans la caricature vulgaire. En effet, Costa-Gavras fait le choix de montrer les "gentils" sous un jour pas toujours reluisants
(le député est infidèle et un peu inconscient, son bras droit est adepte d’une réplique violente, le journaliste reste à la recherche d’un scoop…)
et les "méchants" avec leurs failles
(les certitudes du général qui s’effondrent sous la pression, le colonel qui craque lors de sa présentation devant le juge, les hommes de main sont surtout des ignorants manipulés…)
. Ce refus du manichéisme permet de crédibiliser considérablement le propos du réalisateur et favorise l’adhésion du public à son message (on est loin de Ken Loach).
Il permet, également, de rendre particulièrement cruelle la conclusion du film qui restera comme un des meilleurs exemples de happy-end interrompu (avec "Le Professionnel" peut-être).
Sur un plan plus formel, le rythme s’avère étonnement soutenu, la BO (signée Mikis Theodorakis, lui-même victime de la Dictature des Colonels) soutient constamment le récit et les personnages, que ce soient les opposants politiques, les journalistes ou les membres du pouvoir en place, sont extraordinairement écrits et interprétés. Il faut dire que Costa-Gavras a pu compter sur des acteurs de tout premier ordre, tels qu’Yves Montand en député
(dont la mort prématuré et le peu de temps de présence à l’écran viennent renforcer l’aura du personnage)
, Charles Denner, Bernard Fresson et Jean Bouise en membres de l’opposition, Julien Guiomar en méchant colonel, Jacques Perrin en journaliste… mais surtout Pierre Dux en détestable Général et l’extraordinaire Jean-Louis Trintignant qui campe un Juge d’Instruction tout simplement époustouflant dans la tenue de son enquête (incontestablement le meilleur rôle du film). Seule le rôle d’Irene Pappas m’a laissé un peu dubitatif (certes, l’actrice est grecque mais avouons que le prétexte est un peu léger pour légitimer un rôle peu écrit, peu présent et, au final, peu intéressant). On peut, également, regretter quelques petits défauts de mise en scène (mouvement de caméra, zoom, montage surprenant…), inhérents aux films de cette époque ("Z" est sorti en 1969). Pour le reste, Costa-Gavras a incontestablement réussi son coup et a signé un très grand film politique qui évite le piège de la leçon de morale. On en vient presque à regretter que ce genre de films ait disparu des écrans de nos jours.