Adrian Lyne persiste dans les sujets sulfureux, avec l’adaptation de Lolita, adaptation que je ne comparerai pas à celle de Kubrick, ne l’ayant pas encore visionné, et que je trouve ma foi tout à fait honnête, à défaut d’être sans imperfection.
En effet, même si Lyne maitrise, Lolita est ici handicapée par son développement. La narration n’est pas terrible, plutôt lancinante, j’ai aussi eu le sentiment d’ellipses trop marquées, si bien, par exemple, que le personnage de Frank Langella semble censé nous être bien connu à la fin, alors qu’on ne l’a presque pas vu antérieurement. De la même manière, je crois que la construction narrative pénalise sensiblement les évolutions mentales du personnage de Lolita et on a beaucoup de mal à saisir, à la fois du côté d’Irons et de Swain l’évolution des rapports qu’ils entretiennent à leur relation amoureuse. Finalement, ce qui séduit dans l’histoire c’est le sujet certes, bien que traité avec une certaine consensualité, mais aussi la poésie mélancolique qui se dégage, le côté inéluctablement tragique qui se dessine, et la simplicité. Le film ne cherche pas l’esbroufe outre mesure, il évite le tapageur, et c’est sans doute le meilleur argument de ce film.
La réalisation permet à Lyne de se faire plaisir. Sa mise en scène est très bonne, toujours un peu lisse mais cela convient mieux à un film d’époque qu’à un thriller urbain, et il surprend avec un final tonitruant, des effets de style bien vus, et il apporte une sensualité discrète, évitant du coup le racolage facile. On sent un esthète derrière la caméra, quelqu’un qui veut imposer sa patte, et qui se débrouille bien, trouvant un environnement qui se marie bien à son style, puisque niveau décors et photographie Lolita est aussi très propre. Les décors, variés, sont notamment un bel atout. La bande son aussi, si toutefois on apprécie vraiment du très académique.
Pour le casting, et bien très bon duo d’acteurs, avec un Jeremy Irons toujours impeccable, et un Dominique Swain débutante franchement à la hauteur. Ils sont l’atout maître du casting, faisant preuve de subtilité et de finesse, pouvant être touchant et détestables en peu de temps, tandis qu’autour d’eux évoluent de solides seconds rôles, parmi lesquels le rare Frank Langella, qui s’offre peu de scènes, mais qui est totalement habité !
Lolita est donc une adaptation que j’ai trouvée intelligente et soignée de Nabokov. On pourra peut-être lui reprocher d’être un peu lisse, mais je crois qu’à la vérité c’est un choix culotté de la part d’un réalisateur que j’ai souvent trouvé timoré, puisqu’on l’attendait justement beaucoup plus sulfureux et provocant. Il faut bien sûr aimer le genre, et adhérer au style Lyne qui reste fidèle à lui-même avec son style luxueux, un poil pompeux et pourtant très classique, mais qui rencontre un genre idéal pour lui. 4.