Ce n'est pas le premier film qui nous fait toucher de la nouvelle "vague" de réalisateurs américains. Ceux qui ne sont ni des virtuoses cultivés à la Soderbergh, ni des débiles profonds seulement efficaces à la Michael Bay, ni des pros de la réalisation de commande comme un Tony Scott. Il y a une autre génération actuellement qui cherche à percer, et qui n'est pas paresseuse, à défaut d'être totalement crédible.
"Destination finale 2", l'"Effet Papillon", "21 grammes", "Punch drunk love", et même "Collateral" sous un certain point de vue sont de ce nouveau mouvement. Ils cherchent à trouver une explication ou une manière de vivre avec ce grand mystère qu'est la vie sans raison supérieure. Ils cherchent à démontrer qu'il n'est pas besoin de dieux pour nous faire prendre conscience que tous nos actes, même les plus anodins, ont une répercussion sur notre futur proche, mais aussi sur la vie des autres. Et tout ça, sans aucun prosélytisme religieux, même si l'on parle bien de libre arbitre.
S'il y a quelques accidents de voitures (comment en serait-il autrement au royaume des caisses qu'est L.A. ?), le titre du film ne fait pas référence à de l'action genre "Chute libre", c'est un peu plus fin que cela.
On y parle surtout de racisme, l'ordinaire qui côtoie la xénophobie, le dogmatique sinon idéologique, celui qui découle de l'ignorance la plus crasse (des voisins qui confondent des iraniens avec des arabes, un policier cultivé qui ne sait pas faire la différence entre une mexicaine et une latino d'Amérique centrale), bref tous les racismes, sauf un. Puisque le réalisateur s'est bien gardé dans le fief même d'Hollywood d'aborder les cas des ethnies arabes et juives. Prudence est mère de sûreté !
On a donc droit à une évocation de toute la difficulté et la violence qui découle de faire cohabiter les noirs, métis, blancs, sud-américains, perses et autres asiatiques dans un pays où la seule valeur est l'argent et le seul langage n'est pas l'anglais.
Bref, quand on sort de la mécanique bien huilée du cocon familial, ça chahute méchamment.
C'est un ouvrage pas trop dérangeant, mais oppressant par sa violence verbale et psychologique. Même si c'est abordable par tous les publics grâce à de bonnes répliques qui sont autant lamentables que
vraisemblables et drôles.
Le casting est extraordinaire. Mat Dillon est sans doute l'un des plus mauvais acteurs du monde, avec Ben Affleck et Christian Clavier, mais là, il faut dire que le réalisateur lui a trouvé le rôle de sa vie. Le beauf parfait, con comme un balai, mais au grand cœur et avec une expérience de la vie et de la rigueur qui n'appartiennent qu'aux simples en esprit. Dire que Sandra Bullock joue dans le film serait exagéré, mais son rôle est important, puisque pour une fois, elle n'est pas flic, et donne envie de gerber.
Tout le monde est un peu dans son droit, mais tout le monde fait des erreurs, et personne n'est vraiment récompensé par ses actions, comme dans la vraie vie. Il reste une impression sereine, bien loin du nihilisme ou de l'existentialisme, que l'on peut faire mieux pour soi-même et les autres. Et pour un film passé inaperçu, c'est ambitieux.
C'est d'ailleurs tout le problème, ce film est ambitieux, mais le réalisateur n'a sans doute pas les moyens ou le savoir-faire, on peut imaginer ce que Mann aurait fait avec un scénario pareil. Mais il a eu le mérite d'essayer et de nous faire partager quelques idées simples, fortes, dans un script fouillé et réfléchi, écrit sans erreurs de la première scène à la dernière.
Evidemment, la force du scénario tient dans une ou deux grosses invraisemblances, ce genre de hasards qu'on croise une fois dans sa vie, et qui là apparaît un peu trop souvent.
Certains trouveront la démarche bâclée ou puérile, ils ont raison, mais ça ne change rien au fait que ça fait longtemps qu'on attendait un cinéma de divertissement qui sache oublier les stéréotypes héros / méchants pour nous montrer une tranche de vraie vie dans la première mégalopole multiethnique du monde. Et c'est déjà pas si mal.
Une sorte de "Altman" avec un souci de pédagogie et de langage jeune qui nous fait entrer plus facilement dans la danse. Et nous prend plus aux tripes.
Donc un excellent film de série B. D'ailleurs la musique de Isham est là pour nous le rappeler, parfaite, mais sans surprise.
Surprise surprise, "Collision" a eu les Oscars, preuve que les jurys s'intéressent finalement aux outsiders, à moins que "Brockeback Mountain" soit trop "différent", même pour Hollywood ?