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Plume231
3 934 abonnés
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4,0
Publiée le 16 octobre 2013
Première plongée dans l'univers complexe, graphique, élégant, intriguant et souvent envoûtant de Yoshishige Yoshida, qui aborde la relation quasi-incestueuse avant de devenir incestueuse tout court entre un fils et sa mère... Dans le rôle de cette dernière, Mariko Okada (épouse du cinéaste !!!), vingt ans de moins que l'âge de son personnage (ce qui est volontaire, rien de tel pour renforcer l'ambiguïté !!!), est franchement fascinante, même si pour le coup Ruriko Asaoka, l'actrice japonaise la plus canon que j'ai vu après Ayako Wakao dans "Herbes flottantes", a ma préférence en jeune femme un brin délurée et sensuelle à donf qu'on se dit que le personnage du fils doit réellement être englué jusqu'au cou dans ses problèmes œdipiens pour rester insensible. En tous les cas, ce film visuellement et techniquement pleinement maîtrisé traite avec beaucoup de délicatesse et de sensiblerie un sujet délicat. Première plongée mais pas dernière, ça c'est sûr...
Après six longs-métrages réalisés, dans les conditions d'une liberté très surveillée, pour la Shôchiku, films qui ne déméritent pas mais qui ne décollent pas non plus, Yoshida conquiert sa liberté et réalise «Histoire écrite sur l'eau» (1965). Et là c'est la révélation soudaine d'un des tout grands réalisateurs de l'histoire du septième art! Assumant sans complexe l'héritage stylistique de Resnais, mais surtout d'Antonioni, voire de Bergman, ce pur chef-d'oeuvre de peinture et de poésie interroge, comme le feront encore «Flamme et femme» ou «Passion ardente», les rapports de filiation et les relations matrimoniales en nous parlant de la relation incestueuse d'un fils avec sa mère (la belle Mariko Okada, l'égérie et épouse du réalisateur). Soucieux d'une critique de la structure patriarcale de la société japonaise, au fondement du système politique impérial, Yoshida a ici le mérite de poser les questions sans nous asséner ses réponses (ce qui ne sera pas nécessairement toujours le cas par la suite). Et il le fait avec un génie de la mise en scène qui s'affirme d'emblée immense, usant de flash-back, de séquences intensément oniriques, d'un art de l'organisation de l'espace et de la composition du plan proprement vertigineux (digne d'Antonioni), d'une photographie noir et blanc somptueuse et d'une partition musicale à la fois discrète et remarquable due à Sei Ichiyanagi. Et le réalisateur accède ici à l'universel, en illustrant de manière négative, en tentant de la déconstruire, la naturalité des rapports familiaux, là où Ozu (auquel Yoshida s'oppose explicitement) chantait positivement leur pérennité. De toute beauté, «Histoire écrite sur l'eau» est un film immense et tragique, ... à découvrir de toute urgence!