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shimizu
9 abonnés
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0,5
Publiée le 9 septembre 2012
Où l'on voit Jacques Derrida en robe de chambre dans son salon, ou chez les coiffeur en train de se faire couper les cheveux. Pas un mot sur sa philosophie, sur l'homme qu'il est, sur la façon dont il a pu se construire. On cherche simplement à comprendre pourquoi il est si célèbre. Sans apporter la réponse bien sûr, puisqu'il aurait fallu avoir lu ne serait-ce que quelques lignes de lui pour le savoir. Mais la sensibilité et la finesse de Derrida sont manifestement hors d'atteinte pour les minables tacherons qui ont réalisé ce film.
L'echec de ce film peut se résumer à un constat : en sortant de la salle on ne sait toujours pas qui est Derrida. Qu'a-t-il donc fait pour qu'on lui consacre un film ? On entend vaguement parler de déconstruction, mais ce mot n'est que rapidement évoqué et pas du tout expliqué. On apprend quelques anecdotes sur sa vie, mais pratiquement rien sur sa pensée, comme si cela allait effrayer le spectateur. Pourtant, il est tout à fait possible de consacrer un documentaire à la pensée d'un philosophe (voir par exemple celui de Boutang et Chantre sur René Girard)
Difficile de donner une note à un objet cinématographique aussi atypique. Mais le fait est qu’il est passionnant et qu’on ressort de la salle bien décidé à en savoir plus sur Jacques Derrida et son œuvre (lorsque, comme c’est mon cas, on est totalement ignorant à ce sujet). Le premier mérite du film est de nous faire découvrir une personnalité attachante, intellectuellement brillante mais d’une grande simplicité. Chez Derrida, l’exigence de rigueur n’exclut pas l’humour et l’autodérision. On est loin de la vanité de certains "philosophes" télégéniques (suivez mon regard...), qu’on imagine mal se faisant filmer en robe de chambre beurrant des tartines! Deuxième intérêt: une initiation à quelques thèmes de la pensée de Derrida, à travers des extraits de conférences et des interviews. Fascinant de voir la pensée se construire, hésiter parfois, s’épanouir devant nous en des raisonnements subtils mais jamais obscurs ni vains. Troisième intérêt, et c’est là où le film se démarque des documentaires classiques: une illustration concrète des théories de Derrida. Car les auteurs et le philosophe se servent du film pour montrer comment un média s’intercale entre un locuteur et son auditeur, comment ce que voit le spectateur est une "construction" qu’il s’agit de "déconstruire" pour parvenir à une connaissance un tant soit peu exacte. Derrida insiste: ce n’est pas moi que vous voyez sur l’écran, mais "moi parlant devant une caméra", "moi dans ce contexte précis", avec ce qu’il implique de mise en scène, de ce que j’ai envie de dire ou pas dans ces conditions, etc. Les réalisateurs le mettent en évidence en gardant ostensiblement des séquences qui seraient normalement coupées au montage (incidents de micro, hésitations...) ou en montrant régulièrement Derrida suivi de sa caméra. Au final, un film astucieux, intelligent et qui ouvre l’esprit.