Juan Luis Buñuel était le fils du grand Luis Buñuel, sans doute le plus grand réalisa-teur de l’histoire du cinéma espagnol. Né à Paris en 1934 et mort dans la même ville en 2017, il était de nationalité française et y a donc effectué l’essentiel de sa carrière. Difficile sans au-cun doute d’embrasser le métier de réalisateur avec en surplomb l’aura d’un tel génie. D’abord assistant (Louis Malle, Henri Verneuil, Juan Antonio Bardem), il réalisera sept longs métrages dont « Leonor » et quelques téléfilms. En 1975, aidé de Jean-Claude Carrière, le scénariste favori de la fin de carrière de son père, il adapte une nouvelle de Ludwig Tieck (1773-1853), l’un des romanciers les plus en vue du mouvement romantique allemand. Féru de fantastique, il s’intéresse à la sorcellerie et aux sabbats et se passionne pour le Moyen-Âge. D’une constitu-tion fragile et d’un caractère cyclothymique, Tieck explore dans la partie la plus intéressante de son œuvre, les tréfonds de l’âme humaine. Jean-Claude Carrière spécialiste très pointu des adaptations littéraires s’inscrit pleinement dans l’univers torturé de la nouvelle de Tieck, per-mettant à Juan Luis Buñuel de rendre un hommage vibrant à un auteur relativement méconnu en France. Le seigneur Richard (Michel Piccoli) perd brutalement sa femme (Liv Ullman) suite à une chute de cheval. Compètement désemparé, il fait murer la crypte où repose sa femme. Pour couper court rapidement à son chagrin, il prend femme très rapidement en la personne de Catherine (Ornella Muti). Malgré l’amour et le dévouement que lui porte sa jeune et belle épouse, l’esprit tourmenté de Richard ne trouve pas réellement le repos. Sa défunte femme commence alors à lui apparaître lors de visions de plus en plus fréquentes. A force de convic-tion de Richard en sa croyance, Leonor reprend une forme de vie qui va entraîner la mort de nombreux enfants de la région. Le récit s’oriente alors vers un vampirisme que l’on pourrait qualifier de classique mais parfaitement intégré dans le cheminement mental d’un Richard en perdition. Michel Piccoli qui confirme ici son talent protéiforme confère toute la complexité à cet homme souvent brutal, rongé par le doute, le remord mais aussi la volonté de tout contrôler en un temps où les sciences sont encore balbutiantes. A ses côtés la très jeune et superbe Or-nella qui ne se laisse pas impressionner et Live Ullman l’ancienne égérie d’Ingmar Bergman dont la beauté diaphane convient parfaitement au rôle de Leonor. Un film très méconnu tout-à-la fois sombre, poétique et dépaysant dont on peut tout de même convenir qu’il n’est pas immédiatement accessible.