Premier long métrage de Lexi Alexander, "Hooligans" présente déjà l'intérêt d'être un des rares films à aborder ce milieu des hooligans anglais, rendus célèbres en Europe depuis la tragédie du Heysel. Avec les yeux du yankee qui appelle le football "soccer", nous rentrons dans l'intimité de la bande, depuis son repère du pub "Abbey" jusqu'aux déplacements à Manchester. Loin d'être des lumpens, les membres du GSE sont profs, pilotes, traders en bourse, bref, à l'image de la société anglaise d'aujourd'hui, comme nous le montre la séquence où tous attendent sur leur lieu de travail le résultat du tirage au sort qui déterminera la localisation de leur prochain champ de bataille.
Dans la description de cette complicité arrosée de bière et de sang, la réalisatrice sait trouver des accents proches de Ken Loach, Peter Cattenao ("The Full Monty") ou Stephen Daldry ("Billy Elliott"). Chassé honteusement de sa fac et de son pays, depuis longtemps délaissé par un père grand reporter, Matt trouve la fraternité et le sentiment d'une appartenance conquise au prix du danger auprès de ses nouveaux compagnons, dont le chef peut à la fois laisser sa place à une femme dans le métro et traiter de "youpin" le leader d'un groupe adverse.
Lexi Alexander a fait appel à des "gueules" comme on en voit dans "My Name is Joe" ou "The Navigators", qui donnent une crédibilité à la description de cet univers schizophrène, où de bons pères de famille, des employés modèles ou de sympathiques pédagogues se transforment en brutes épaisses mus par des réactions tribales dignes des pires bandes de nos cités. A la tête de ce "club", l'acteur anglais Charlie Hunnam est très convaincant, mélange de Brad Pitt et de Pacino, sachant distiller à la fois un charisme indéniable et une brutalité animale. Il illustre à lui seul la dualité inquiétante de ces hooligans qui refusent le qualificatif de "gang", mais se comportent avec la même bestialité que les bandes de "Gangs of New York".
Malheureusement, le scénario n'évite pas l'ornière des situations convenues, vues et revues depuis "West Side Story". Outre le traumatisme du père absent, on retrouve tous les ingrédients du mélo : la spirale de la vengeance, l'enchaînement fatal des événements, la trahison, le remord... Et c'est là que le film trouve ses limites : à vouloir filmer cet affrontement de petites frappes lobotomisés comme une tragédie antique ou un drame shakespearien, à vouloir parer ses héros des vertus de la droiture et de la fidélité, la réalisatrice n'évite pas une certaine forme de complaisance ; et quand de retour à New York, Matt se venge pacifiquement de celui qui l'avait laissé payer à sa place, c'est en chantant l'hymne du GSE qu'il disparaît dans la nuit de Manhattan, histoire de montrer que cette expérience en a fait un homme nouveau.
Et cette ambiguité se retrouve dans la façon de filmer les affrontements, avec une chorégraphie faite de ralentis et de saccades, qui à la fois ne cache rien de la violence des combats, tout en manifestant une fascination proche du plaisir masochiste des protagonistes à prendre les coups. Simple déformation d'une ancienne championne d'arts martiaux ou manque de discernement ? Laissons à ce premier film quand même intéressant le bénéfice du doute, et attendons de voir ce que nous proposera à l'avenir Lexi Alexander.
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