Je découvre en suivant les pas de Depardieu ce qu’a été la mode française du film historique à gros budget – jusqu’ici pour moi un ramassis de souvenirs souvent télévisuels de castings emperruqués. Je découvre donc aussi, après avoir adoré Nouvelle France en 2016, ce que cela représente de vouloir transposer Paris au Québec. En effet, le panamisme est l’affliction symptomatique du Québec de Beaudin, qui en fait de reconstituer s’attache à reproduire ce qu’il connaît déjà en essayant de s’approcher de ce que cela pouvait être jadis.
On s’insurgera à raison en me répondant que Beaudin est montréalais & qu’il est censé savoir de quoi il parle, pourtant le compromis est bel & bien là qui écrase les acteurs francophones d’outre-Atlantique pour les faire rentrer dans une idée de l’ancienne France coloniale d’une manière qui est effectivement très Nouvelle France – celle d’aujourd’hui qu’on vend aux Américains, pas celle de jadis qu’on a donnée aux Anglais.
Mais fi de ces arrangements : pour le métropolitain, les interprètes seront d’autant plus talentueux qu’ils sont méconnus, de sorte que le film accède pour le spectateur français au succès d’une production audacieuse qui maîtrisait ses ambitions (l’œuvre me frappe en cela de très similaire manière à Le Parfum). Les décors finissent par nous emporter dans une histoire ne souffrant pas trop d’être comparable à un autre grand film historique de Depardieu, 1492. Les personnages semblent disposés comme des pions au départ, mais l’impression se diluera jusqu’à ce qu’on vienne finalement à regretter leur insouciance.
Soutenu par une volonté de véracité assez dense pour l’amener à utiliser beaucoup la langue amérindienne sous-titrée sans donner dans le tape-à-l’œil, le film souffre toutefois de l’absence d’une seconde piste d’ambiance, une ”truth track” ou une ”honesty track” qui aurait étoffé notre attachement à ses différentes approches : la romance marche bien toute seule, mais la trame historique se limite à l’évocation de quelques faits & personnages clés rapidement survolés (les scènes de la Pompadour & de Voltaire sont parmi les plus marquantes mais ne représentent pas grand chose) & la sous-histoire judiciaire est assez vite balayée sous le tapis.
Quand on voit l’apparition à peine symbolique de Tim Roth, le manque de contexte derrière les manquements passionnels d’un Depardieu prologuant & épiloguant & le peu de montée en puissance de chaque thème, on se demande où vont les 145 minutes. Des dialogues un peu plus poussés se seraient vite effondrés telles les paroles de la chanson de Céline Dion au générique.
Je pense que Nouvelle France est amené à être adoré par beaucoup de cinéphiles peu regardants, ce en quoi je ne leur donne surtout pas tort : l’interprétation ne jure pas, les décors & costumes sont plus que présents & le scénario actif ne se repose sur aucun laurier, toujours prêt à se jeter sur de nouvelles modestes miettes d’exotisme d’époque. Il en faut remarquablement peu, toutefois, pour se rendre compte du bric & du broc que camoufle la superproduction. C’est ce qu’on fait de mieux dans le genre des films en plastique plaqués or.
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