Aussi délirant qu'il puisse paraître, ce film est inspiré d'une histoire vraie. Cet Alfredo Lopez, pornographe improbable, a bien existé et oeuvré dans l'Espagne puritaine du début des années 1970, sous Franco... Il a réalisé de petits films pour une pseudo-encyclopédie danoise dont l'intérêt scientifique était tout relatif. Il s'est effectivement découvert une passion pour le cinéma, pour Bergman en particulier (!), au point de tourner un long-métrage porno sous l'influence du cinéaste suédois et de quelques théories psychanalytiques. Ce film (son unique long-métrage) s'appelle "Las aventuras y desventuras de una viuda muy cachonda", plus connu sous le titre Torremolinos 73, du nom de la station balnéaire où eut lieu le tournage, en 1973. À l'époque, le film connut un beau succès au Danemark où la femme d'Alfredo, Carmen, était devenue une star du porno, sans le savoir, grâce à la fameuse encyclopédie...
Formidable matière pour une histoire de cinéma ! Pablo Berger en a fait son premier long-métrage, exploitant bien, sans trop en faire, son côté insolite, émoustillant et cocasse, dans un contexte seventies très kitsch, reconstitué avec minutie. Mais le réalisateur ne s'est pas contenté de la dimension burlesque de l'histoire. Il en a extrait une substance intime, à la fois scabreuse et touchante, qui donne à la comédie une teinte douce-amère intéressante. Où il est question d'amour, de plaisir, d'accomplissement de soi, de sacrifice... Torremolinos 73, c'est enfin une drôle de mise en abyme du cinéma et de la cinéphilie, entre amateurisme et passion folle. Avec un petit côté Ed Wood du porno. Une sorte d'ode rigolote, tendre et nostalgique à la création, quel que soit le résultat final, quelle qu'en soit la qualité... Alors, tous les thèmes, ici, ne sont peut-être pas transcendés ; la réalisation n'est peut-être pas parfaite ; mais le film est toujours plaisant et attachant. Notamment grâce aux acteurs : Javier Cámara (que l'on voit souvent chez Almodóvar), Candela Peña et... Mads Mikkelsen dont la présence constitue l'une des curiosités de cette curieuse coproduction hispano-danoise.
À noter que Pablo Berger attendra neuf ans avant de réaliser son deuxième long-métrage : Blancanieves (2012).