Piscine Molitor Patel : un nom improbable pour le héros d'une Odyssée extraordinaire, aux limites de l'espoir et de la vie. N'ayant pas lu le roman de Yann Martel, je ne peux faire aucune comparaison entre l'œuvre originale et le film qu'Ang Lee en a tiré, mais ce qui est certain c'est que le réalisateur taïwanais a sublimé cette histoire de jeune Indien dérivant pendant des mois en plein Pacifique sur un canot de sauvetage en compagnie d'un tigre du Bengale. On peut d'ailleurs avoir un à priori négatif sur l'intérêt du sujet avant de s'installer devant l'écran. Passée la première demi-heure un peu lente de mise en place de l'intrigue et des personnages, l'action prend une dimension spectaculaire en forme de quête initiatique au souffle épique, portée par des effets visuels époustouflants et une photographie sublime. Il est question de courage, d'adversité, de dépassement de soi, de vie et de mort, de communion avec la nature, de cheminement spirituel et du lien cosmogonique qui unit l'homme à l'univers, le tout dans un syncrétisme religieux où Bouddha côtoie Jésus. Le propos est ample, ambitieux, nourri de scènes grandioses comme celle du naufrage, dantesque, ou encore l'épisode sur l'île carnivore peuplée de suricates, la nuée d'exocets, la baleine, les méduses... Une aventure incroyable, un émerveillement constant. Techniquement parlant, on oublie vite que Richard Parker n'est qu'un tigre de synthèse. Compagnon de galère plus vrai que nature, interlocuteur précieux au milieu d'un océan de solitude, il observe, bouge, feule, faisant planer une menace constante dans le canot. Tenu à une vigilance de tous les instants, Pi ne doit jamais baisser la garde. L'un et l'autre s'observent, cohabitent et s'apprivoisent, se permettant mutuellement de rester en vie. A la fin de leur aventure commune, le tigre repartira vers son destin plein de morgue, sans un regard pour Pi Patel. C'est après une audition de plus de 3 000 candidats, qu'Ang Lee a choisi de confier le rôle du jeune héros à Suraj Sharma, dont c'était la première apparition à l'écran. Il incarne son personnage avec un immense talent, digne des plus grands acteurs. A ses côtés, cuisinier du cargo japonais, sale et repoussant de grossièreté, Gérard Depardieu fait une brève apparition. C'est le seul nom connu à l'affiche de cette fable humaniste, vibrante de poésie. Récompensé par 4 Oscars (meilleurs réalisateur, photographie, musique de film et effets visuels), "L'Odyssée de Pi" s'achève sur 2 lectures possibles, laissant au spectateur le soin de choisir.