Vu à l’occasion d’une avant-première, suivie d’une masterclass du réalisateur Ang Lee, L’odyssée de Pi est avant tout une expérience visuelle et sonore incroyable, rendue possible grâce à une grande maitrise des outils technologiques aujourd’hui à disposition. La 3D au cinéma, souvent critiquée depuis que les studios en ont fait leur grand argument marketing, est ici époustouflante dès le premier plan du film où un colibri, pratiquement à portée de main, semble s’échapper de l’écran. Le réalisateur joue vraiment avec les moyens techniques et va même jusqu’à modifier son format d’image, le temps d »une scène incroyable avec des poissons volants, pour accenter le sentiment d’interactivité et de profondeur entre la salle de cinéma et les décors du film. Le changement de format d’image n’est pas une première chez Ang Lee, qui avait déjà utilisé ce type d’effet dans sa version de Hulk, film durant lequel certains plans se juxtaposaient à la manière de vignettes de comic books.
Pour ce qui est de l’histoire, elle est ici organisée de manière assez conventionnelle. Le personnage de Pi plus âgé, interprêté par Irrfan Khan (version masculine et indienne de Noémie Lvovsky), raconte le naufrage à un jeune écrivain, quelques dizaines d’années après le drame. Dans sa simplicité narrative, le film est tout de même assez plaisant, grâce notamment à un personnage principal assez attachant, particulièrement dans ses jeunes années. Ang Lee reprend des thèmes qui lui sont chers comme les relations père/fils, ou les leçons qu’un père peut transmettre à ses enfants, et promet même des preuves sur l’existence irréfutable de Dieu. Hélas, il s’attarde trop sur l’aspect visuel de son long-métrage qui finit par s’essouffler dans son dernier tiers, ayant épuisé toutes ses ressources scénaristiques. Puisque la force du film réside dans son excellence visuelle, on ne peut que saluer la prouesse des animateurs ayant réussi à donner vie au tigre, présent dans le film à 95% en images de synthèses.
À l’image de son personnage perdu au milieu de l’océan, Ang Lee perd pied dans une abîme de débauche visuelle hallucinante et livre une film à la fois renversant pour ses qualités artistiques mais assez décevant par son fond plus ordinaire et brouillon. Quoiqu’il en soit, si L’odyssée de Pi n’est pas le film de l’année comme certains le laissent entendre, il reste un honnête divertissement pour cette fin d’année, qui vaut le détour ne serait-ce que pour sa séquence de naufrage absolument ahurissante et spectaculaire.
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