"Dracula" [1992] de Francis Ford COPPOLA nous a paru une étrange pièce-montée de forme "kitsch" parfaitement assumée, malheureusement assez vite risible et lassante... On a bien du mal à reconnaître la maturité précoce du cinéaste auteur des deux premiers volets si lyriques et mélancoliques du "Parrain" / "The Godfather" I et II [1972,1974] ou de l'aride et passionnant "Conversation secrète"/ The Conversation" [1974]... L'excellent et protéiforme Gary Oldman (qu'on a vu, depuis, mille fois mieux dirigé et même crevant l'écran en Churchill des "Heures Sombres"/ "Darkest Hour" [2017] de Joe WHRIGHT), lui-même, n'y arrive pas : c'est dire... Condamné à y faire ce qu'il peut : servir de presque-sosie au déjà bien pâle acteur Johnny Depp en "prince" de pacotille avec anachroniques petites lunettes rondes teintées de bleu... ou se déchaîner en momie décrépite à ridicule perruque de comtesse poudrée, il parviendrait presque à faire oublier les grimaces outrancières du jeu de Klaus Kinski dans le "Nosferatu, Phantom der Nacht" de Werner HERZOG (autre Everest du Kitsch, s'il en est)... L'acteur-chanteur Tom Waits fait une prestation des plus tonitruantes et caricaturales (il faudrait peut-être rappeler à cet acteur-chanteur que les cheveux ébouriffés et la mine ahurie ne suffisent pas à donner l'impression de "la folie" à un perso). Il est vrai que la consigne sur le plateau devait être qu'il fallait donner dans un excès particulièrement "excessif", comme dans un opus de Terry Gilliam, genre "Brazil"... Winona Ryder en Mina Harper est celle qui s'en tirerait le mieux, n'eût été ce petit chapeau vert ridicule et ces vêtements moches que le metteur-en-scène (aux goûts approximatifs de brave mafieux originaire de Corleone) lui fait porter... Sadie Frost est une Lucy Westenra pathétique et peu crédible en mégère ricanante, nymphomane et parfaitement improbable... Anthony Hopkins semble croire à peine à ce qu'il voit et joue, et fait évidemment regretter le "solide" Abraham Van Helsing que campait ce bon Peter Cushing dans le très bon et très modeste "Horror of Dracula"/ Le Cauchemar de Dracula" [1958] de Terrence FISHER, tourné, lui, avec les moyens très cheap" de la Hammer Films : 81 000 livres (119 000 euros) de l'époque... Ce qui tue ce film ? Justement le pognon étalé et la folie des grandeurs qu'il procure, l'hubris" comme disaient les Grecs qui comprenaient parfaitement le piège mortel de toute démesure humaine... mais aussi le ridicule. TOUS les personnages y sont sacrifiés... Le rouge pétard ("à la Hammer") des scènes les plus baroques n'y changera rien, pas plus la partition du grand Wojciech Kilar ("La Poupée" de Wojciech J. HAS, "La Terre de la Grande Promesse" d'Andrzej WAJDA, "le Roi et l'Oiseau" de Paul GRIMAULT) ne pourra jamais ressusciter ce mort-vivant- là.. Quant aux scènes de caméra subjective en accéléré : répétitives et lassantes... La danse des voiles de Lucy et Mina dans jardin à la française : clicheton pour romantisme "gothique" de carton-pâte et compagnie... Tout ceci pue et transpire le manque d'inspiration et la gonflette perpétuelle, beaucoup plus que le sang avarié ! Cette bluette inaugurale à l'origine de l'histoire du voïvode "Dracul" (censée être cette histoire d'amour tragique "qui traverse les siècles") : plus que mal amenée... Quant à l'orgasme surjoué que procurerait le simple fait d'aspirer le sang des vivants : celui des "créatures" contaminées par le Comte : il nous vaut ces scènes pathétiques de ridicule qui dégoulinent de ce "somptueux" navet souffrant déjà de ses cent-mille plaies... Allons, ça va, Coppola, on a compris, on n'est pas des débiles ! Quel formidable gâchis artistique... On dirait ce magnifique soufflé qui retombe sous les yeux déprimés de Bertrand Labévue, le pote à Gaston Lagaffe... "Et le navet va !" comme écrivait un critique en plagiant le titre d'un film de Federico FELLINI : non, franchement le "Dracula" de COPPOLA n'a rien du "Casanova" de FELLINI, qui au moins avait de l'humour en faisant s'agiter ses automates érotomanes !