Quelle œuvre ! Puissant, inspiré, visionnaire, le Dracula de Coppola surpasse tous les films de vampires de l’histoire du cinéma. Le premier tour de force est que, collant fidèlement au roman de Bram Stoker (comme l’indique le titre), il est tout de même une partie intégrante de l’œuvre de Coppola, ce génie du cinéma, cet explorateur de l’âme humaine comme peu l’ont été dans l’histoire du septième art (je ne vois à cette heure qu’Antonioni pour lui être comparé dans cette catégorie). Loin des guignolades hollywoodiennes, il fait ressortir la puissante mystique de cette légende, née des terreurs humaines dans une contrée déchirée par les guerres incessantes et les atrocités afférentes. Le mythe des vampires repose sur une symbolique aussi forte qu’ancienne dans l’histoire de l’humanité, sur laquelle on ne cesse de s’interroger depuis des siècles. D’où vient ce besoin de sang ? Que signifie ce concept de mort vivant ? Pourquoi la croix a-t-elle le pouvoir de faire fuir un vampire ? La version originale, revue par la pensée en marche de Coppola, nous donne une interprétation où la vengeance et l’amour rédempteur jouent les premiers rôles. Elle nous console aussi évidemment de notre destinée mortelle, la vie éternelle n’étant qu’une voie destinée aux âmes égarées et torturées. Au niveau technique, soulignons le travail sur les images qui fait de chaque plan un tableau, surtout dans la dernière demi-heure, inoubliable. Le rythme, le montage précis, les couleurs, les musiques, tout transpire le cinéma dans son authenticité profonde et concourt à faire de ce film un chef d’œuvre universel. En voyant cette splendeur (comme en voyant L’Homme sans âge ou d’autres, éreintés par la critique), on ne peut s’empêcher de se demander comment Coppola a pu être autant dévalorisé voire méprisé par des incultes brailleurs, uniquement soucieux de rentabilité. La réponse est bien sûr dans la question… Saluons pour finir l’interprétation, d’une homogénéité exemplaire, de Winona Ryder flamboyante à Anthony Hopkins magistral, en passant bien sûr par Gary Oldman, le plus grand Dracula de l’histoire.