J’avais vu ce Dracula il y a longtemps, j’avais des souvenirs, et c’était donc plutôt bon signe. Je l’ai revu, et je suis très largement convaincu par ce film, souvent encensé et à juste titre. Une version qui change, et c’est tant mieux.
D’abord les interprètes sont fameux. D’une part ils sont bons, mais surtout ils ont été remarquablement choisi en fonction de leurs rôles. Oldman est un Dracula brillant, bien que souvent méconnaissable, et son jeu sur la corde (il est à la limite de la caricature plus d’une fois mais ne cède jamais) est d’une redoutable finesse. Il est un excellent point pour le film, et apporte une nette plus-values. Face à lui Hopkins est un Van Helsing haut en couleur, mais, moins convaincant par rapport au chemin onirique prit par le film. Il est un peu hors-sujet pour ainsi dire, et il me fait penser à la récente prestation de Hauer dans le Dracula d’Argento. L’acteur est bon, mais le personnage est bancal, traité sur un ton qui ne sied pas au film. On notera encore une sublime Winona Ryder, qui livre pour sa part une prestation d’une grande sobriété mais d’une grande efficacité tout autant. Son personnage a un vrai relief, et elle-même impose une belle présence face à Dracula. Reste Reeves dans le casting principal. Toujours un peu en retrait, il est néanmoins ici dans la peau d’un personnage absolument tout trouvé pour lui, et sa prestation, surtout dans la première partie du film est remarquable. Je ne peux qu’ajouter des remarques positives pour quelques seconds rôles, dont l’étonnant Tom Waits dans la peau de Renfield.
Le scénario est très bon. Pour une fois ce sont les sentiments qui priment sur l’action, dans une adaptation moderne de Dracula, et même si cela peut soulever quelques longueurs dans la seconde partie du film, indéniablement c’est un plaisir à suivre. Les dialogues sont ciselés, tout est d’une grande fluidité malgré d’évidentes difficultés liés à la gestion chronologique et spatiale des évenements, et puis cette histoire d’amour entre Dracula et Murray réussit l’exploit de ne pas être mièvre sous des dehors qui pouvaient honnêtement le laisser craindre. Même si l’histoire n’est pas totalement sans anicroche (il y a un ou deux petits ratés, comme l’émergence impromptu de la voix off à un moment donné), mais enfin Dracula reste très bien construit.
C’est surtout visuellement que le film est explosif. Il n’y a pour ainsi dire rien à redire. Coppola offre une mise en scène majestueuse et souvent impressionnante. Son travail est nourri, voir alambiqué par moment, mais il maitrise totalement son sujet, avec quelques plans d’une époustouflante beauté (la chute dans le fleuve au début ; Murray dans le parc ; le final…). Coppola offre pour ainsi dire une mise en scène sensuelle, dans le ton de son film, caressant tout autant les corps, les regards, offrant des ralentis parfaitement réglés, et pour autant il n’en oublie pas la dimension décadente, grandiloquente de son personnage avec une réalisation tout autant spectaculaire. Les décors sont sublimes, avec des moments anthologiques, comme le château de Dracula et son environnement. La reconstitution d’époque m’a fait beaucoup penser à celle, médieval, de Boorman sur Excalibur. C’est à la fois réaliste, et en même temps totalement onirique, envoutant, une sorte de conte. Les couleurs sont magnifiques (les lunettes bleues de Dracula, accessoire brillant !), les costumes superbes, et la photographie est géniale. L’âge d’ailleurs à très peu d’emprise sur ce métrage, qui vieilli fort bien de ce point de vue. Tout comme Excalibur au demeurant. De plus le film a l’intelligence de faire peu appel aux effets spéciaux. Ce qui lui permet de ne pas apparaitre trop vieillot de ce point de vue, et les quelques effets visuels, bien utilisés, ne sont absolument pas gênant à l’œil. A noter quelques séquences violentes, qui donne à ce Dracula la quantité de sang nécessaire qu’impose ce type de sujet. Bien sur je ne peux conclure sans parler de la musique. C’est l’élement sommital du métrage, le couronnement de ce-dernier. C’est surement l’une des plus belles bande son du cinéma, avec un travail brillantissime, totalement adapté au film. Evoluant entre souffle épique intimisme, la musique de Dracula, très présente, est un morceau d’anthologie. Encore une preuve fondamental de l’importance de la musique dans un film.
En clair Dracula est un excellent film, qui confine presque à la perfection. Je suis toutefois un peu réservé, le film souffrant de quelques défauts. Outre le personnage d’Hopkins, il faut avouer qu’il y a quelques lenteurs, quelques petits loupés dans le déroulement du film, qui parfois font tilter, et empêchent d’être hypnotisé de bout en bout. Je ne boude toutefois pas mon plaisir, et lui accorde sans problème un 4.5.