Si le nom de Roger Corman restera pour toujours attaché à une certaine idée de l’art de faire du cinéma (celle qui consiste à tourner à des films racoleurs en un minimum de temps, avec un budget de misère et en payant les acteurs au lance-pierre), il est également lié au “Cycle de Poe�, huit films sortis entre 1960 et 1964 qui restent globalement considérés comme les meilleures adaptations d’Edgar Allan Poe à avoir été tournées à ce jour. ‘La malédiction d’Arkham’ a ceci de particulier qu’il est le seul film de cycle de Poe à ne pas être basé sur les écrits de Poe. Le titre original, toutefois, fait bien référence à un de ses poèmes...mais le scénario du film s’avère très différent (encore qu’il y ait bien un château et qu’on puisse estimer qu’il est hanté) puisqu’il adapte, sans vraiment avoir le respect de la lettre chevillé au corps, une nouvelle d’un autre maître du Fantastique, H.P. Lovecraft. L’explication est toute simple : Corman était simplement au beau milieu de son cycle d’adaptations de Poe et si les producteurs avaient accepté qu’il s’attaque un autre romancier, ils ne souhaitaient pas que le public soit désorienté. S’il s’impose comme un spécimen à part sur le fond, ‘La malédiction d’Arkham’ mérite tout de même amplement sa place au sein du cycle, qualitativement parlant. Comme pour toutes les autres adaptations, le budget était relativement bas mais Corman et son équipe ont réalisé des miracles pour que ça ne se remarque pas (trop) à l’écran. Certes, le manque de moyens se fait constamment sentir, qu’il s’agisse de certains maquillages douteux ou d’un scénario qui donne parfois l’impression d’avoir été écrit à la va-vite mais aujourd’hui qu’il n’y a plus guère de différences entre la manière dont on peut appréhender les trucages de Corman ou de Herschell Gordon Lewis par rapport à ceux de Murnau ou même de Méliès (dans les deux cas, on admire l’ingéniosité mais on n’espère plus le frisson au premier degré), cela n’a plus beaucoup d’importance. Ce qui est important, c’est que Corman s’est débrouillé pour accoucher d’une vision gothic-horror qui tienne parfaitement la route, et qui se permette même d’être relativement foisonnante et chargée, ce qui permet de comprendre pourquoi de futurs grands comme Scorcese ou Coppola ont été apprendre leurs gammes chez l’oncle Roger, et de percevoir l’influence qu’ont pu avoir ses idées visuelles sur le jeune Tim Burton. L’autre atout du film, et du cycle de Poe au sens large, est évidemment la présence de Vincent Price : quand bien même l’emballage laisserait à désirer, un acteur aussi charismatique et mémorable, qui joue au premier degré le rôle mal écrit qu’on lui impose comme s’il s’agissait de défendre une pièce de Shakespeare sur les planches, peut faire oublier beaucoup de choses.