Ce film, réalisé par Dominik Moll et sorti en 2005, n'est pas mal du tout ! C'est le second film du réalisateur que je découvre après "Harry, un ami qui vous veut du bien", dont nous pouvons en retrouver des similitudes. Dans l'écriture avec ce personnage mystérieux, Alice, campé ici par Charlotte Rampling, qui va mettre la pagaille dans un "petit couple modèle", mais également dans son ambiance, toute aussi malsaine, sinistre et froide. C'est donc Alice et son mari, patron d'Alain, que reçoivent ce dernier et sa femme, Bénédicte, à dîner. Mais ce dîner ne se passera pas exactement comme prévu, surtout que le couple découvre dans un même temps un rongeur coincé dans le siphon. En plus de mettre en scène une analogie très peu subtile avec Alice, ce rongeur, qui est par ailleurs un lemming, marque le commencement d'un cauchemar éveillé pour Alain, le personnage principal, mais également la fin de ce cauchemar lors de la disparition du lemming. C'est d'ailleurs pourquoi l'animal donne son nom au titre du film car tout repose sur cet évènement complètement incongru. Et des choses incongrues, il s'en passe un sacré paquet durant ce film ; plaçant d'ailleurs le spectateur à la place du personnage principal, nous donnant alors cette impression de vivre ce cauchemar en même temps que lui. Car oui, comme dans "Harry, un ami qui vous veut du bien", tout commence normalement. Nous suivons ce couple dans leurs tâches quotidiennes, tout est bien organisé, bien rangé, la femme est au foyer et s'occupe de la maison et du dîner, tandis que le mari ramène le gagne-pain, tout en ayant un travail épanouissant. Mais le réalisateur prend bien soin de nous montrer un couple avant tout littéralement modèle, à l'image d'une maison témoin. Le réalisateur dépeint en effet deux personnages qui ne montrent aucune émotion et qui évoluent dans des univers aussi froids que sinistres. Ils vivent par exemple dans une petite banlieue pavillonnaire dans laquelle le béton donne une teinte grise et sinistre à l’ensemble et dans une maison aux murs blancs, qui est de plus impersonnelle puisqu'ils viennent d'emménager et n'ont donc pas pu la décorer. C'est une maison qui ressemble d'ailleurs énormément aux décors du lieu de travail d'Alain, là aussi moderne, blanc et froid, à l'image d'une chambre d'hôpital. Même l'excentricité du petit pavillon (chaque pavillon de banlieue à sa petite excentricité, seule marque de différenciation et de personnalité par rapport aux autres), à savoir une vieille coccinelle, n'est pas en état de marche. Ainsi, pour palier à cette vie tout aussi morne qu'ennuyeuse, Alain va commencer à rentrer dans des fantasmes, des délires et nous ne saurons d'ailleurs jamais vraiment ce qui relève de la réalité ou de la fiction. Ainsi, le film part de quelque-chose de gentillet (un petit couple de prolos plus que classique - même lorsqu'Alice tente de séduire Alain d'ailleurs, nous sommes face au fantasme plus que classique du prolo, à savoir coucher avec la femme du patron - mais qui est heureux) pour aller vers quelque-chose de plus en plus sombre, de plus en plus glauque et malsain et voire même d'absurde. Ainsi, comme avec son précédent film, le réalisateur arrive à nous mettre mal à l'aise avec une ambiance sinistre et terne donc mais également avec des personnages dont les réactions sont de plus en plus absurdes, qui gravitent autour d'un personnage principal, tout ce qu'il y a de plus normal (et auquel le spectateur peut donc facilement s'identifier). C'est d'ailleurs pourquoi le rythme du film est très lent, notamment à cause de répliques interminables mais également de scènes dont les plans s'étirent en longueur, ce qui peut en rebuter plus d'un, mais qui participe complètement à la mise en place de ce malaise constant tout au long du film. Concernant les acteurs, nous retrouvons une nouvelle fois Laurent Lucas dans le rôle du héros un peu perdu et penaud qui débarque dans un univers qu'il ne comprend pas (personnage qu'il incarne également dans "Calvaire" d'ailleurs) mais également Charlotte Gainsbourg, André Dussollier et Charlotte Rampling qui jouent très bien. "Lemming" est donc un film dans lequel tout est millimétré et qui est pour le moins déstabilisant mais dont c'est le but premier !