« Old Boy », l’extinction de la lumière, la résurrection de la mort et de l’excès. Car pour son quatrième film, le coup de Park Chan Wook raisonnera jusqu’à Cannes, et il marquera la plaie au fer rouge.
L’histoire d’un homme enfermé pendant quinze ans dans un endroit mystérieux, emprisonné pour des raisons qui le sont d’autant plus et qui se retrouve sans attache lors de sa libération, couverte par un suicide et un poulpe encore vivant lorsqu’il entre dans sa bouge. Il doit réapprendre qui il est, se débrouiller dans le monde extérieur, guidé par le désir de la vengeance.
Et il est clair que « Old Boy » marque de plein fouet. Outre son histoire attirante, le ton malsain et quasiment insolent qu’il emploie engage un degré zéro de pudeur et une envie ferme d’en découdre. Loin d’une simple fable de vengeance, le film accumule les intrigues, les questions justes et les répliques exaltantes avec une ingéniosité déconcertante, affirmant ainsi un style libre et audacieux sans équivoque. Largement mélancolique et alliant la pure cinématographie à la poésie totale, Park Chan Wook parvient à faire dans le subtile sans perdre le sens du rythme ni sa folie vivifiante, son sens de l’humour dosé au gramme près et la sublime BO qui accompagne le récit. Car « Old Boy » est un poème sanglant, ou chaque chose sert, un film qui exalte, tout en mettant mal à l’aise, une énigme où chaque ambiguïté dégage quelque chose de fort et consumé, un poulpe dont les huit tentacules gesticulent à l’image du protagoniste coupé en deux.
Improbable, baroque, trash, la rivière coule et s’y noie la vie, partant d’un reflet pour finir comme un chien à se couper la langue, celle dont on a un peu trop usé, celle qui sous la rage intérieur de la mise en scène, dicte un film bouleversant et implacable. Dans un aspect sombre qui domine littéralement les décors, presque toutes les scènes marquent à grand renfort de chocs. Après tout, qui est le fautif ? Qui est le déclencheur initial de ce poème barbare aux vers brisés et enfermés qui déploie le drapeau de la vengeance, un drapeau rouge vif, peint avec les entrailles de ce qu’il reste d’une vie brisée. Inévitablement tragique, logiquement viscéral, de quoi exploser un cœur.