Film ultra-culte qui a fait sa renommée grâce à son twist final, "Old Boy" est sans doute, avec "Infernal Affairs", ce que le cinéma sud-coréen a fait de mieux dans les années 2000… ou qui, à tout le moins, s’est le mieux exporté. Et, bien que j’ai mis de très nombreuses années à le voir (le cinéma asiatique ne m’emballant pas forcément), il faut reconnaître que la flatteuse réputation du film n’est pas usurpé. Car "Old Boy" est une véritable claque cinématographique, renforcée par l’exotisme inhérent à la culture sud-coréenne qui fait perdre, un peu plus encore, ses repères au spectateur occidental. Dès les premières images (un plan fixe sur le héros fraîchement arrêté pour ivresse publique), on comprend que la mise en scène sera tout particulièrement soignée. Le réalisateur Park Chan-Wook signe, ainsi, un véritable coup de maître visuel en maîtrisant particulièrement bien le sentiment de désorientation de son héros (sentiment qu’il magnifie avec une utilisation pertinente de la voix off, des flash-back réussis, des citations…), en parvenant à faire ressentir l’horreur de
ses 15 années de captivité (grâce aux ruptures de rythme et aux événements télévisuelle marquant le temps qui passe)
et, cerise sur le gâteau, en s’offrant une séquence d’anthologie avec un combat en plan séquence tout simplement inoubliable ! Il transcende cette mise en scène par un BO de tout beauté (signée Jo Yeong-wook) qui ne cesse d’accompagner les personnages. Mais ce qu’on retient de "Old Boy", c’est bien évidemment son scénario diabolique. Outre le mystère qui entoure l’enlèvement inexpliquée
puis la libération tout aussi inexpliquée
de ce pauvre Oh Dae-soo et l’enquête qu’il va mener pour comprendre ce qui lui est arrivé, c’est, davantage encore, l’incroyable amoralité des personnages qui permet au film de se démarquer
(le héros emploie des méthodes pour le moins expéditives, le "concierge" chargé de garder les prisonnier semble avoir bien peu de remords, le plan du méchant est inimaginable pour un esprit sain)
… amoralité qui trouve, bien évidemment son apogée à travers le terrible twist
qui vient bousculer un tabou sacré et qui ne peut pas ne pas bousculer le spectateur (en particulier les pères de famille !)
. Et, preuve de son incroyable qualité, le film ne se limite pas à ce bouleversement scénaristique (que j’ai, personnellement, vu un peu venir) puisqu’il parvient à tenir le spectateur en haleine du début à la fin grâce à ses personnages, Outre le héros atypique (Choi Min-sik, incroyable) qui se refuse à être sympathique (alcoolique, violent, dévoreur d’animaux vivant, sans espoir de rédemption… on est loin des héros occidentaux habituel) et qui prend le risque de s’aliéner le spectateur qui refusera toute identification (mais y sera contraint par le twist) et sa "complice" un peu nunuche mais tellement fragile (Kang Hye-jeong), j’ai surtout été impressionné par l’incroyable méchant de l’histoire (Yu Ji-tae), qui bouffe littéralement la vedette à tous les autres personnages. Son visage, d’une terrifiante innocence, et son style classieux associé à son plan machiavélique et sans absence totale de remords en font un personnage passionnant… qu’on se surprend à comprendre dans ses motivations, pourtant ô combien dérangeantes ! Le réalisateur fait, ainsi, preuve d’un épouvantable pessimisme concernant la nature humaine et sa régression en cas de choc… mais parvient à nous faire comprendre le mécanisme de cette régression
(Oh Dae-soo veut retrouver sa fille par n’importe quel moyen, Lee Woo-jin veut venger sa sœur en sacrifiant tout au passage… soit de nobles motivations à l’origine de bien moins nobles actes).
C’est peut être le principal coup de force d’un film, aussi incroyable visuellement que scénaristiquement… et dont les seuls défauts sont inhérents à sa culture, avec des moments parfois un peu trop étirés et "romantisés" et une omniprésence de combats qui devrait ancrer un peu plus encore le mythe de "l’asiatique champion d’arts martiaux" dans les esprits occidentaux… La scène finale aurait, également gagné à être un peu plus efficace mais porte, tout autant, les traces de la culture asiatique. "Old Boy" en deviendrait presque enthousiasmant jusque dans ses défauts… C’est dire s’il est immanquable !