"Perdue... Tu es perdue... Il faut que tu te retrouves... Il faut que tu retrouves tes repères". Cette phrase assenée à Lubna Azabal au cours de la dernière partie d'"Exils" est caractéristique de cette oeuvre inspirée, belle et triste qu'a mise en scène Tony Gatlif en 2004. Basée sur le souvenir ou plutôt l'illusion du souvenir, il s'agit d'une aventure à part, celle d'un jeune couple Parisien à la recherche de ses origines en Algérie. Ils vivent au jour le jour et décident, sur un coup de tête, d'explorer leurs racines. On suit alors avec tendresse un parcours, qui, au fur et à mesure que le film avance leur monte au cerveau. Ils se perdent (volontairement ?), ne distinguent plus aucune frontière dans quoique ce soit, sont finalement des "étrangers" à tout. Ils rêvent, voilà tout. "Ton corps est ici, ton esprit est ailleurs" dit-on à la jeune femme. Oui, ils sont fantômes et phantasmes, ne sont sûrs de déboucher sur rien mais continuent d'avancer coûte que coûte. Gatlif construit sa mise en scène autour de son duo, partage avec une justesse infinie les émotions ressortant d'une telle entente, si particulière mais incroyablement belle. En cela, il emporte son spectateur, l'emmène dans les recoins de l'âme les plus impensables, lui fait partager cette envie de voyage, de découverte et d'amour. Son propos sonne juste, ne s'embourbe jamais dans de vastes démonstrations. "Exils" n'est pas un film à thèse, seulement la plongée spirituelle dans l'univers décalé d'un cinéaste revendiquant toutes ses influences. Les êtres parlent peu, ce sont les visages qui sont expressifs. Après, on pourra toujours lui reprocher de ne pas toujours garder une cohérence dans sa progression, de trop accentuer le côté nomade de son film mais le couple Duris-Azabal est si beau, la réalisation si originale et intéressante qu'il serait dommage de bouder son plaisir. Alors, si ce film est loin d'être parfait, il n'en demeure pas moins atypique et profondément humain.