En dehors de ses classiques et de plusieurs autres projets aboutis, Ridley Scott, ultra prolifique, a quand même signé quelques ratés notables. Avec Legend, bien que je tienne à mon goût - et ici, le mot goût est primordial - l'un de ces moutons noirs, j'ai quand même la confirmation qu'aucun long-métrage du réalisateur britannique ne laisse de marbre. Avec ce conte d'heroic fantasy, Ridley signe en effet un univers féerique unique, très chargé mais visuellement splendide, entre des couleurs saturées mais aussi très nuancées (et un rendu plastique sublime), qui permettent de saisir des décors paroxystiques. Le monde créé est incroyable, irréel mais figurant si bien à sa manière les grandes arcanes de l'univers. Le problème, c'est que là encore, Ridley croit un peu trop à ce qu'il fait, si bien qu'il met tous les moyens à sa disposition dans le grand brasier qu'il construit pour alimenter les feux de l'enchantement et de la féerie, y compris son scénario. Il me semble en effet que pour mieux peindre avec contraste bien et mal, pureté et corruption, Scott accentue à l'excès (c'est le moins qu'on puisse dire) les traits de l'histoire qu'il conte, qui finit par en devenir d'un manichéisme et d'une naïveté insurmontables. En général, l'image sert plutôt le récit ; qui d'autre pouvait inverser ce précepte au point d'en sacrifier son scénario mieux que Ridley Scott, ce grand amoureux de perfectionnisme et de plénitude visuelle ? Le problème, c'est que même un conte de fée se doit de véhiculer un minimum de fond, par exemple en figurant une abstraction de manière minimaliste certes, mais pas trop quand même, dans l'espoir de combiner à l'émerveillement un petit but didactique et initiatique pour les enfants, où ceux qui le sont restés. Là, rien, nada, la niaiserie est telle et les situations si débiles que j'ai eu du mal à ne pas m'en consterner, et les enjeux sont purement et simplement inexistants. Le film vaut quand même pour son innovation, Ridley Scott s'y avérant un précurseur qu'auront suivi beaucoup de films postérieurs d'heroic fantasy, la monumentale trilogie de l'anneau signée Peter Jackson en tête. M'enfin bon, ça reste quand même léger, bien qu'esthétiquement tout à fait enchanteur.