Réalisé en 1955 par Joseph H. Lewis, cinq ans après « Gun crazy » l’oeuvre qui l’a fait connaître des cinéphiles, « The big combo » (« Association criminelle » en français) est doté, comme la plupart des films de ce réalisateur, d’ un budget très resserré. Comment s’y prend-t-il, dans ces conditions, pour transformer un scénario, a priori, convenu en un film noir aussi réussi que méconnu ?
* il accentue le plus possible l’obsession réciproque de ses deux personnages principaux. En premier lieu, celle du policier dont on apprend, au début du film, qu’il traque exclusivement, avec une débauche de moyens et sans succès, le chef de la pègre local (« Mr Brown »), ce dernier, pour qui la haine est le moteur de la réussite sociale, comme il l’explique à un boxeur vaincu sur lequel il avait investi, le lui rendra bien,
* il fait interpréter ses deux personnages principaux par des comédiens solides : Cornel Wilde pour le flic et, surtout, Richard Conte pour le mafieux, dont le jeu survolté exprime la volonté de puissance,
* il pousse au maximum les curseurs de la corruption, même si la police, curieusement, reste, dans son ensemble, intègre. La ville est sous la coupe quasi-totale de Mr Brown dont le nom répété ad nauseam plane au dessus d’elle et crée une atmosphère de cauchemar : les témoins qui pourraient gêner Mr Brown débusqués par son adversaire sont presque, dans l’instant (dans le plan suivant leur témoignage), exécutés… Chez les truands, les trahisons en chaîne, avec les moyens les plus pervers, règnent en maître, avec, à la fin du film, un véritable effet d’accumulation... aucune complaisance pour la mafia chez Lewis,
* il montre, dans les limites du code Hays, des personnages à la sexualité pour le moins non conventionnelle. La compagne de Mr Brown, jouée par Jean Wallace, dès les premières minutes du film, tente de le fuir, c’est une femme de bonne famille dépressive qui n’éprouve plus que répulsion pour son compagnon, ce dernier (pour ces raisons ?) semble toujours vouloir la posséder. Le policier, dont son supérieur dit qu’il est amoureux de la compagne de Mr Brown, entretient une relation occasionnelle avec une strip-teaseuse, dont il constatera, avec regrets, qu’il l’a traitée comme « un accessoire ». Et que dire des deux hommes de main sadiques (l’un deux est joué par Lee Van Cleef) ? Il s’agit d’un vrai couple : le spectateur découvrira qu’ils occupent la même chambre (avec lits séparés, code Hays oblige lol) et font des projets d’avenir….,
* il met le tout en scène avec dynamisme et déploie beaucoup d’inventivité, ce qui empêche le spectateur de relever les quelques faiblesses du scénario. Je vous laisse découvrir l’usage très original que Lewis fait, à deux reprises, du sonotone d’un des personnages,
* enfin, et surtout, il fait appel au grand chef opérateur John Alton, véritable magicien de la lumière, qui donnera, grâce à ses éclairages et donc sans que cela coûte cher, une véritable splendeur plastique au film. C’est aussi John Alton qui, à la même époque, magnifiera les séries B tournés par Alan Dwan.
La dernière scène de « The big combo »est, à ce titre, emblématique de l’importance de la lumière dans ce film, puisque c’est un projecteur qui permettra de mettre Mr Brown hors d’état de nuire.
Un film à redécouvrir d’urgence.