"Vipère au poing" : un titre qui retentissait chez moi comme un film d’action (notez la conjugaison au temps imparfait pour une certitude imparfaite). Une chose est sûre, c’est un film que je ne connaissais pas, alors pour une fois qu’une chaîne de télévision proposait un long métrage qui m’était inconnu, je ne me suis pas franchement posé la question plus longtemps. Evidemment, je me suis rapidement rendu compte à quel point je me fourvoyais sur le genre du film. Eh oui, je n’avais regardé ni la distribution, ni le synopsis. J’avoue que la surprise a été de taille, mais ce fut une belle surprise. J’ai vu "Vipère au poing" comme un musée. Un musée où tous les objets âgés de près d’un siècle retrouvent une seconde vie. Bien sûr, nous sommes loin du farfelu "La nuit au musée" (ça n'a même rien à voir), mais de voir tous ces objets (téléphone, véhicules, gramophone, etc…) a inspiré chez moi la nostalgie d’une époque que je n’ai pourtant connue : celle des années 20. Nul besoin de préciser l’époque à laquelle se déroule l’intrigue. On la devine par la tenue portée par Catherine Frot, et sera confirmée bien plus tard par les notes endiablées du Charleston. Une tenue qu’elle porte admirablement bien ! Et si encore il n’y avait que la tenue qui lui allait si bien, il n’y aurait guère d’intérêt à regarder ce film. Parce que l’intérêt majeur de ce film, outre l’intrigue dont on ne devine la chute que quelques instants à peine avant la fin (lorsque le stylo-plume change de main), l’atout majeur de "Vipère au poing" est le jeu d’actrice de Catherine Frot, laquelle fait une entrée fracassante alors qu’on n’en voit que sa jambe à la descente du train. Son personnage est à la hauteur de l’apparence qu’on lui connait la plupart du temps : une stature droite, fière, coincée, limite hautaine et dédaigneuse. Eh bien nous avons là tous les ingrédients nécessaires pour donner vie à son personnage, pour en faire un être vil sans compassion aucune et totalement dénué d’empathie. Catherine Frot a beau s’être visiblement amusée à l’incarner, j’arrête là sa description pour ceux qui ne connaissent pas cette deuxième adaptation du roman autobiographique d’Hervé Bazin (et tant qu’à faire la première, tournée en 1971), afin de leur laisser la pleine découverte de ce personnage, un personnage qu’on aura vite fait de cataloguer dès ses premières minutes d’apparition à l’écran. L’autre intérêt réside en les rivalités qui naissent ici et là, en particulier avec le jeune Jean Rezeau. Déjà à son âge, Jules Sitruk tutoie l’excellence en donnant une formidable opposition à Catherine Frot, et pas seulement dans les mots. Au contraire, il interprète à merveille les ressources naturelles de son personnage pour donner corps à cette rivalité qui a vite fait de figer le spectateur dans un état d’hébétude, alors qu’il est déjà scotché par le niveau inexistant de fibre maternelle chez Paule. Mieux : on aimera la détester. Encore mieux : c’est limite si on ne chante pas en chœur avec les enfants la joie d’une mort imminente. Et le fin du fin, c’est qu’on appréciera avec une satisfaction des plus amusées de la voir se faire envoyer sur les roses par… par… Enfin bon, je ne peux en dire plus. Dès lors on pense que la tyrannie va changer de camp, mais pas vraiment. J’aurai aimé le concept de « l’arroseur arrosé ». Mais ce n’est pas ça. Tournure du roman d’Hervé Bazin oblige. Je pensais que les brimades et les coups bas allaient monter crescendo au fur et à mesure que le récit avance, mais ce n’est pas vraiment ça non plus. Oh il y a bien quelques sursauts du pire de temps à autres, mais comme la surenchère n’est guère existante, ça en devient presque décevant. Il faut dire que ça y va fort d’entrée de jeu, au grand dam de Jacques, décidément trop faible et sans aucun caractère réel. Jacques Villeret est le maître dans ce registre, et il le prouve encore une fois ici. Pour être honnête, je ne sais pas ce que ça vaut par rapport à la version télé de 1971. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’Alice Sapritch avait un visage beaucoup plus émacié, plus austère. Avec un tel faciès, on pouvait savoir à quoi s’attendre. Elle aurait même fait une parfaite surveillante dans une maison de correction ! Tandis que Catherine Frot, son visage est plus rond, plus doux, ce qui la rend d’autant plus machiavélique dans ce registre ! Quoiqu’il en soit, je disais (presque) regretter de ne pas voir le conflit grimper en intensité par les pires abjections. Ce n’est pas tout à fait vrai, puisque ça en vient à dépasser la limite de l’inconcevable
dans la chapelle
. Cependant la rivalité tourne plus vers la psychologie, pour virer à un combat de fins stratèges. Quoiqu’il en soit, il en résulte des situations rocambolesques, qui va en souffler plus d’un, certaines faisant rires, d’autres plutôt choquantes. Un bon divertissement porté avec brio par un trio d’acteurs évoluant dans une superbe propriété de la Bretagne, dont l’allure sinistre laisse augurer ce qu’on va voir.