On reconnait les grands cinéastes à une patte unique, certes, forcément répétitive, mais on les reconnait aussi parce qu'ils savent se poser les bonnes questions sur leur mise en scène qu'ils savent faire évoluer, s'adapter, adopter un nouveau standard, devancer les modes, expérimenter, comme Peter Jackson ou Steven Spielberg. Tsui Hark est de ceux là, mais il va plus loin dans l'expérimentation. Non pas qu'il soit meilleur que les deux cinéastes que j'ai cité en exemples mais il a d'autres délires filmiques. Projet ultra ambitieux qui devait être le premier film d'une série de sept, "Seven Swords" est l'adaptation d'un célèbre roman de chevalerie chinois dont je ne serais pas surpris que Akira Kurosawa est repris le pitch pour ses "Sept samourais", fut un bide à sa sortie condamnant le film à rester une version tronqué de deux heures trente au lieu de quatre faisant perdre beaucoup de la fluidité du récit. Il est probablement plus clair pour un chinois qui connait le roman. En revenant à un genre qu'il affectionne particulièrement, le wu xia pian ou film de sabre chinois, et qu'il a transcender mieux que quiconque, Tsui Hark est revenu en force avec ce film, qui a une certaine parenté avec son précédent chef d'oeuvre dans le genre "The blade". Les deux ont en communs la peinture d'un monde barbare qui semble être apocalyptique , et le côté réaliste de la direction artistique ressemble à "The blade". On reconnait également le style de mise en scène du cinéaste dans ses deux films, expérimental, complètement improbable, folle et surtout chaotique. Tsui Hark n'est pas surnommé cinéaste du chaos pour rien. Il ose toutes les ruptures de ton et le mélange des genres sans jamais appuyé ses références cherchant la créativité permanante. Sur "Seven Swords" Tsui Hark devait se refaire un nom après quelques années d'égarement et ce besoin de prouver qu'il existe encore a poussé sa créativité dans ses derniers retranchements. Je n'ai jamais vu un film de Tsui Hark aussi inspiré dans sa mise en scène, dans son découpage qui chamboule notre vision, notre habitude de perception. Certains diront son style brouillon, chaotique, alors qu'en réalité son chaos filmique est d'une précision et d'une inventivité que je n'ai vu nulle part ailleurs. Chaque plan de "Seven Swords" est un tableau de maître, d'une beauté à tomber par terre. L'un des films les plus beaux à regarder que j'ai vu de ma vie, il y a dans chaque plan une inventivité et une envie de cinéma bien plus grande que dans tous les films hollywoddiens réunis ( ou presque tous ). Et dés la transition entre la première scène de massacre entièrement grise et rouge ou la caméra descend dans les arbres inondant l'écran de vert, puis sous les arbres la lumière éclairant un cours d'eau et un paysan sur un âne jouant de la flûte, on comprend qu'on va avoir un choc visuel constant. "Seven Swords" est à es yeux le film dont la mise en scène de son réalisateur est la plus aboutie. On regrettera de ne jamais voir la version de quatre heures initialement pensé, le récit aurait été beaucoup plus clair mais qu'importe cela n'empêche pas de vivre pleinement l'experience et c'est un excellent prétexte pour se replonger dedans.