Dans la saga cinématographique Harry Potter, le quatrième film marque une parenthèse dans le changement de ton inauguré par ‘’Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban’’. En effet, entre son prédécesseur d’une grande mélancolie et ses suites ‘’réalistes’’ et noires, ‘’Harry Potter et la coupe de feu’’ (et non de cheveux) est un peu une anomalie. Le film est une bizarrerie dans la mesure où des scènes (ou des personnages) morbides sont contredites avec une grosse rasade d’humour. Après un troisième volet qui fut commercialement une déception, on sent que les producteurs ont voulu que ce film-là soit un film différent du précédent. On avait un épisode triste réalisé par un Mexicain de talent ? Et bien on aura un quatrième film plus joyeux, cette fois-ci réalisé par l’anglais Mike Newell (réalisateur à tout faire). Le résultat fut payant : pour un budget de 150 millions de dollars, il en rapporta plus de 800 millions. Pas sûr cependant que cet épisode soit aussi convaincant que les trois premiers.
Après avoir assisté à la finale de la Coupe du monde de quidditch, Harry entre dans sa quatrième année de sorcellerie. Mais cette année est bien particulière puisque Poudlard est le théâtre d’un grand événement de magie : le tournoi des trois sorciers. Trois sorciers de trois écoles différentes s’affrontent au cours de trois épreuves. Un seul en sortira vainqueur. Les sorciers sont désignés par un arbitre impartial : la coupe de feu. Pourtant, comment expliquer qu’Harry soit désigné comme champion de Poudlard alors qu’il y en a déjà un ? Qui a mis le nom d’Harry dans la coupe de feu ? Malgré lui, Harry se retrouve embarqué dans une série de terribles épreuves.
La première chose qui frappe avec ‘’Harry Potter et la coupe de feu’’, c’est de voir à quel point le film est extravagant. Pas tellement par rapport à la réalisation de Mike Newell : le Britannique est beaucoup plus sage que l’audacieux Cuaron. De plus, le chef-opérateur Roger Pratt revient (il avait opéré sur ‘’Harry Potter et la chambre des sorciers’’) et cela se ressent : visuellement, c’est souvent beau, mais c’est aussi parfois assez neutre. Non, si le film est extravagant, c’est par rapport au ton général du film. Il est très étrange de voir que le film repose plus que jamais sur un contraste. En effet, ‘’Harry Potter et la coupe de feu’’ est le seul des épisodes à alterner des scènes de pures comédies poussées à l’extrême avec des scènes glauques elles aussi poussées à l’extrême. Un mot pour désigner cet opus : bouffon, au bon sens comme au mauvais. Un élément qui semble être un détail mais qui en fait est révélateur : les coupes de cheveux des protagonistes. Apparemment, le département coiffure devait être absent pendant le tournage tant les cheveux des protagonistes sont longs (surtout ceux de Ron). Le film est décontracté, un peu foufou. Ce changement de ton est la bonne surprise du film. Par rapport à la réalisation, Mike Newell n’est pas toujours à la hauteur. Il filme efficace mais visuellement, le film est moins marquant que les trois premiers épisodes. Plusieurs scènes tombent dans un kitsch malheureux : ainsi la scène de bal évoque trop le film de teenager : un vrai cliché. La plus grosse erreur, c’est sans doute la scène sous-marine. C’est vert et moche et vert et moche. Il est clair que Mike Newell était un choix à l’opposé total de celui d’Alfonso Cuaron. On est devant un film plus impersonnel que le troisième opus. Mais la patte so british de Newell est bien là : les touches d’humour font parfois mouches. En revanche, une chose est très décevante : la musique. John Williams n’est pas rappelé pour ce film et on ne peut qu’en être frustré car la partition de Patrick Doyle n’est pas ensorcelante. En fait, sa musique est certes kitsch, mais pas magique. A côté du pseudo thème Batman qui accompagne le logo d’ouverture, il nous gratifie de thèmes très écoeurant, souvent trop sucrés. Le pire est atteint avec les chansons des Bizarr’ Sisters (interprétées par Jarvis Cocker, Johnny Greenwood et Phil Selway) : on est content d’apprendre que les sorciers eux aussi écoutent à fond du rock. Il n’empêche : où est donc la magie dans cette musique et ses scènes trop calculées pour plaire aux ados ?
Mais les vrais pépins ne se situent pas au niveau de la réalisation. Non, l’énorme défaut d’ ‘’Harry Potter et la coupe de feu’’ : c’est l’adaptation. On sentait déjà dans le troisième opus que Steve Kloves était dépassé par la lourde charge qui lui a été confié. Déjà, l’équilibre du film est plus que bancal. Sans générique, le film fait 2H 18… soit la durée du premier film ! Or, là où le premier tome de Harry Potter est mince, le quatrième en fait plus du double ! 2H 18, c’est beaucoup trop court. Dans un film qui est court par rapport à son matériaux de base, certaines scènes s’allongent là où d’autres sont éludées. Par exemple, était-ce vraiment nécessaire d’allonger à ce point les séquences autour du bal de Noël ? Où plutôt n’y avait-il rien de plus pertinent à développer que ces scènes pour adolescents en émoi ? Ce qui est étrange, c’est qu’on peut très bien dans le film sauter ces passages sans que la compréhension de l’intrigue ou des personnages n’en soit gâchée. Et puisqu’on en est à l’intrigue, parlons-en. Introduire des scènes qui ne font pas avancer l’histoire, c’est très très bien, en revanche, quand ces scènes sont préférées à des passages qui clarifient l’histoire, c’est une grosse erreur. Et là, autant supprimer Dobby peut passer (faire que ce soit Neville qui fournisse à Harry la blanchiflore n’est pas bête) autant supprimer tout ce qui concerne la personnalité de Barty Croupton et de son fils est une aberration totale. Les deux personnages sont présents, mais ce ne sont que des coquilles vides, sans background. Barty Croupton Junior notamment méritait mieux. D’un personnage riche, complexe et même poignant dans son affreuse histoire (raconté en détail dans le livre), il n’est qu’un simple psychopathe fou furieux dans le film. Le tome quatre était passionnant entre autre par rapport aux deux méchants : Voldemort et Barty Croupton Junior. Rowling établissait un curieux parallèle entre Barty Croupton Junior et Voldemort. Ceux sont deux êtres bafoués par leurs pères qui s’en émancipent en les tuant (et en n’en faisant un trophée via la transformation du père en un os unique) avant d’être révélé (Voldemort et Croupton révèlent tous deux avoir échappé à la mort dans le passé). C’est là que se révèle le défi de l’adaptation : couper des scènes ne veut pas dire que le film sera moins riche à condition de couper les bonnes scènes (où si les rajouts sont pertinents). Mais ici, les coupes appauvrissent énormément le film et les rares rajouts font office de remplissage : on nous sort une course poursuite entre Harry et le dragon ? A part pour nous mettre plus d’action, cela ne sert à rien. Voici une liste de coupes frustrantes : nous faire miroiter pendant tout le début du film un match de quidditch qui promettait d’être épique pour finalement ne pas nous le montrer, le développement d’Hermione avec sa volonté de défendre les elfes de maison (mais on nous garde son flirt avec Krum, allez savoir pourquoi…), une troisième tâche sensée être la plus redoutable (avec des monstres et des énigmes le long du parcours) transformé en labyrinthe complètement vide, la disparition de Winky l’un des meilleurs protagonistes du livre etc. Ah, et il semble que les hiboux aient chipé les répliques de Krum et de Fleur Delacourt : une réplique et demi chacun (sans rire) ! Autre rajout ridicule qui amplifie le kitsch ; faire de Beauxbâtons une école entièrement féminine (oh ! Les zoulies robes ! Oh ! Les zoulies papillons!) et faire de Dumstrang une école entièrement masculine (ah ! Ces muscles et cette testostérone si virile!). Heureusement, l’idée de ce héros (Harry) qui l’est devenu malgré lui et qui se retrouve une nouvelle fois héros malgré lui est bien là. Mais Steve Kloves est fatigué, si fatigué qu’il fera une pause et ne sera donc pas de la partie pour ‘’Harry Potter et l’Ordre du Phénix’’.
Ces coupes ont un autre défaut : nous empêcher de parler du jeu des nouveaux acteurs car la majorité ont trop peu de temps à l’écran ! On peut d’abord (et avec tout le respect qu’on peut avoir pour elle) dénoncer une certaine hypocrisie de la part de J. K. Rowling laquelle souhaitait soi-disant pour plus d’authenticité une actrice française et un acteur bulgare pour incarner Fleur Delacour et Viktor Krum. Que c’est noble de vouloir respecter la nationalité des deux protagonistes ! Mais quand on voit le résultat, on se dit que c’était vraiment une décision totalement maniaque. Premièrement, il est impossible de juger du jeu de Clémence Poésy et de Stanislav Ianevski compte tenu du peu de temps qu’ils passent à l’écran : cela se mesure en seconde et ils ont chacun à tout casser une réplique et demie. Et puis, quitte à choisir des acteurs étrangers, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout du parti-pris ? Pourquoi ne pas avoir pris une actrice française pour jouer Mme Maxime, qui (c’est le comble) apparaît plus que Fleur ! Ce problème de temps passé à l’écran, on le retrouve avec l’étoile montante Robert Pattinson en Cédric Diggory, probablement bien. Probablement, car en terme de dialogue, c’est pas beaucoup mieux. Un acteur cependant trouve son compte : le massif Brendan Gleeson en Maugrey Fol’Oeil, le nouveau professeur de défense contre les forces du mal. Mais sous les tonnes de maquillage, rebelote, il est difficile d’émettre un jugement sur son jeu. Il est vrai que l’aspect mi-fou mi-inquiétant du personnage est bien traduit à l’écran. En même temps, comme la direction d’acteur est mystérieusement en roue libre, tout le monde semble atteint de folie dans le film (Dumbledore qui secoue Harry : normal, vu son âge). Le summum est atteint avec Voldemort. Qu’est-ce qui a bien pu passé par la tête de Mike Newell. Où est donc le terrifiant Voldemort, aux yeux flamboyants ? A la place, on a droit à un clown qui tripote (oui) avec son pied le visage de Diggory en commentant sa beauté et pousse un cri incompréhensible en touchant Harry au front : le seigneur des ténèbres, qu’on a toujours perçu comme un être sinistre, terrible et monstrueux est en fait un petit plaisantin… C’est la seule chose qu’on retient de cette idée plus que contestable. Et c’est d’autant plus dommage que sa scène de renaissance fout vraiment les jetons, et atteint un gros niveau de morbidité. Cette séquence où Queudver déverse le corps de Voldemort dans le chaudron est la plus glauque qu’on ait pu voir dans un Harry Potter… tout ça pour que finalement, Voldemort tout puissant soit moins effrayant que Voldemort version loque. Déception quand tu nous tiens…
‘’Harry Potter et la coupe de feu’’ est l’épisode de la saga le plus incongru. Rempli de fautes de goût (le design de Voldemort n’est pas rattrapé par l’interprétation service minimum de Ralph Fiennes) et de bizarreries, il n’en demeure pas moins un film très agréable à suivre. La fin du film, vraiment noire annonce la couleur pour les suites. Mais, la poésie d’Alfonso Cuaron sur l’épisode précédent est et sera dorénavant perdue. Car David Yates arrivera pour l’épisode 5, enterrant ainsi une saga qui avait si bien démarré.