Derniers Avis sur Un Amour pas comme les autres

Chronique sensible et touchante de mœurs d’une jeunesse en quête d’indépendance et d’affranchissement dans l'Angleterre conservatrice des années 60’s, soutenue par une mise en scène stylée.
En revanche, le titre français est complètement hors sujet. 3,75

La nouvelle vague anglaise comme cinéma britannique des années 30 à 50, a toujours été plus politique et social que le cinéma français. Et c'est toujours le cas

John Schlesinger est un représentant éminent de la nouvelle vague britannique du debut des années 60 au côté de Karel Reiz, Tony Richardson et Lindsay Anderson. Sa carrière internationale connu deux grands succès public " macadam cowboy" et "marathon man". Pourtant dès son premier film " un amour comme les autres" Ours d'or au festival de Berlin, il toucha les sommets de l'art cinématographique. Voilà un film que j'ai découvert par hasard en visionnant les oeuvres majeures de cette nouvelle vague britannique et je dois dire que c'est une découverte majeure à mes yeux. Le film reprend un des thèmes favoris de cette nouvelle vaguen et nous raconte l'entrée dans la vie adulte d'un jeune homme ( Alan Bates, formidable) dessinateur industriel qui rencontre une secrétaire de son entreprise. La jeune femme, sexuellement un peu coincée ( sans doute par la pression morale et sociale qui repose sur les épaules des jeunes femmes) tombe enceinte. Ils se marient mais ils vivent dans la maison confortable de la mère de la jeune fille, par manque de moyen.La mère est une femme acariâtre ,obsessionnelle et sans doute frustrée qui mène la vie dure au couple. A mes yeux le film est tout simplement un chef-d'oeuvre. La réalisation, la photo, la direction d'acteurs est tout simplement admirable et rejoignent ce que le cinéma social britannique a fait de mieux. Pourtant peu mis en avant dans les anthologies du cinéma britannique, le film est pourtant au niveau des meilleurs de Richardson ( la solitude du coureur de fond) ou de Reisz ( Samedi soir, dimanche matin). Bates est un acteur de la trempe de Finney et Courtenay ( il est plus proche de Finney me semble t il) avec qui il étudia et perfectionna son art. C'est un acteur tout simplement immense.

En voyant ses films des années 60-70 (surtout 60 !!!), je me demande comment John Schlesinger a pu terminer sa carrière sur un navet avec Madonna... Enfin bref... "Un Amour pas comme les autres", son premier film, ne fait que mieux se faire gratter la cervelle pour répondre à cette question.
Ce très beau représentant du Free Cinema nous fait plonger avec réalisme, comme le deuxième film du réalisateur, l'excellent "Billy le menteur", dans la grisaille d'une grande ville industrielle anglaise souffrant sérieusement de sinistrose, et s'attache à un homme normal, pensant comme tout homme normal, un brin frustré évidemment, qui se respecte à voir ailleurs, qui va tomber amoureux d'une collègue de travail...
D'ailleurs la première partie est une réussite de justesse. Notamment la séquence dans le bus où le protagoniste séduit maladroitement sa collègue, celle-ci s'apercevant de sa maladresse mais essayant de ne pas en tenir compte car voulant être séduite et surtout étant déjà séduite, on ne peut que déjà l'avoir vécue. Bref empathie profonde rien que pour cette scène pour les deux personnages principaux superbement interprétés par Alan Bates et June Ritchie.
On peut regretter donc dans la deuxième partie une misogynie un peu trop féroce pour être crédible, l'histoire à partir de ce moment approfondissant bien le personnage masculin mais négligeant le féminin, se résumant juste à une gourde qui est toujours d'accord avec son acariâtre de mère, cette dernière étant décrite sans pratiquement le moindre soupçon de subtilité. Les autres représentantes du "beau sexe" dans cette même partie ne sont guère mieux servies.
Mais en dehors de cette réserve qui fait que ce qui aurait pu être un grand film est juste un très bon film, le conservatisme moral de l'époque est critiqué avec acuité, le mariage s'en prend pas mal sur la gueule même si c'est tempéré par une scène d'introduction qui montre un mariage bien parti pour être heureux ou par une fin qui laisse sur une touche d'optimisme quant au sort de nos deux personnages. (Au passage, on peut regretter un titre français complètement à côté de la plaque car contrairement au titre original il ne résume pas du tout l'ironie sous-jacente de l'histoire !!!)
Une oeuvre imparfaite par excès de misogynie mais incontestablement touchante car dans ses meilleures moments elle sait viser très juste.