Après l'élégante chronique sociale des "choses de la vie" et de son accident filmé et criblé sous tous les angles possibles, Sautet monte le coup "Max et les ferrailleurs" et son "Arme à gauche" devient une arme de pointe, crédible.
Scénario : Max le commissaire veut prendre en flagrant délit une bande de ferrailleurs. C'est encore le tandem des "Choses de la vie" (Sautet/Dabadie) aux commandes de l'histoire, accompagné par l'auteur du roman original, Claude Néron (l'un des scénaristes fétiche de Sautet d'ailleurs : "César et Rosalie", "Mado"). Autant dire, que le suspense est manié de main de maitre et qu'il monte crescendo pour aboutir à une fin remarquable. Du joli boulot en somme.
Réengageant Michel Piccoli (vu dernièrement chez Leos Carax pour "Holy motors") côté casting dans le rôle de Max le commissaire, il nous fait part d'une interprétation au cordeau, digne d'un James Stewart. Ici, ce n'est pas un Piccoli euphorisant comme dans "Les choses...", mais plus un Piccoli en confiance qui règne dans la police comme un patron. On le suit donc pas à pas dans un Paris décontenancé, lugubre et qui fait froid dans le dos. Un rôle dur et implacable écrit sur mesure par un Sautet en pleine forme. A ses côtés, on retrouve la bellissima Romy (c'est avec la série autrichienne des "Sissi" qu'elle devient célèbre) qui aide à l'avancement de l'intrigue, briguée de part en part. Toute sensuelle, féline, le personnage de prostituée lui colle à la peau. Et lorsqu'elle nous fait son numéro de prostituée (d'actrice donc), elle est à tomber !! Romy, quoi ! Dans la bande des ferrailleurs, il fait bon retrouver ces gueules d'époques : Fresson (il a travaillé sur les planches avec Jean Vilar puis il sera nommé aux César dans la catégorie meilleur second rôle pour "Garçon", toujours de Sautet !), Creton (vu dans "La voie lacée" de Bunuel, "Les bronzés", "Tenue de soirée" de Blier fils, ...), Zardi l’immanquable ("La horse" avec Gabin, "Jo" pour de Funès, "Deux hommes dans la ville" chez Giovanni, ...), Léotard (César du meilleur acteur pour "La balance", il jouera pour Leconte dans "Tchao pantin" dans la décennie 1980), et Bobby Lapointe (chanteur pour Truffaut, bétailler et gangster chez Sautet, on le retrouvera principalement pour Granier-Deferre dans "La veuve Couderc"). Ça fait plaisir de voir que les figures du cinéma de l'après-guerre sont toujours d'une roublardise étonnante aujourd'hui. Et de dire merci aussi à Georges Wilson (le père de Lambert, directeur du Théâtre National Populaire dans les 60's, a été remarqué par son personnage dans "Une aussi longue absence") et François Périer (il débuta dans "Hôtel du Nord" de Carné et reçut le Bafta du meilleur acteur étranger pour "Gervaise") pour des prestations convaincantes au possible. Des seconds rôles certes, mais qui ont l'art de former un bloc compact pour maintenir "Max et les ferrailleurs" dans les clous du genre policier. Personnages secondaires donc maintenus par l'ambiance Sautet.
Ambiance décrite par un Sautet au faîte de sa forme car Paris by night aurait pu être un pari risqué après ses affres campagnardes entre Romy et Massari. Ici, l'atmosphère se joue sur un point : le pari osé de Sautet de transformer Romy en prostituée. Pari réussi. D'autant que la bande de bras cassés (Zardi en tête) résume assez bien la société de Paris que décrit Sautet sur un ton assez narcissique. Un bon travail de fond pour l'infatigable metteur en scène qui en profite de nous faire avaler ces inévitables trognes du cinéma français. Gloups !
Si l'on ajoute la musique de Philippe Sarde (également compositeur sur "L'ours" !) toujours bienvenue et donnant un rythme soutenu par ses partitions cocasses et ombrageuses à l'ambiance misogyne mise en place par Sautet, on se retrouve dans un film policier plus que correct réalisé par un Sautet qui change de genres de films en films.
Pour conclure, "Max et les ferrailleurs" fait bien partie du paysage visuel français de par son ambiance mise en scène par l’éclectique Sautet et dont on retrouve les inébranlables têtes d'époque, le couple Piccoli/Schneider en tête.
Spectateurs, un incontournable du film policier des 70's. Pour les amateurs de Claude Sautet assurément.