En plus d'être une comédie musicale réellement réussie (ce qui, avouons-le, ne court pas franchement les rues, enfin, plutôt, les cinémas), Sweeney Todd peut se targuer d'être un vrai petit bijou baroque, ambiance et photographies hyper-travaillées pour un Londres fantasmé retranscrit à la perfection. Sans aucun doute le film le plus noir de Burton, l'humour est grinçant, le sang gicle à tout-va, gorges joyeusement tranchées et cannibalisme en prime. Mais, si ce film n'est pas à mettre entre toutes les mains, je ne le considère pas comme glauque ou gore (on a du sang couleur coulis de fraise, les canards ..), il n'a absolument pas comme but premier de faire peur, et la peur elle-même serait bien plus centrée sur les regards noirs de Sweeney que sur les lames qu'il manie. Parce que Johnny Depp tient encore une fois son rôle à la perfection, de l'homme rongé par la haine et le désir de vengeance, jusqu'à en oublier la raison même, lente descente se produisant devant nos yeux, violence et folie croissante d'un homme se définissant déjà comme mort. Sweeney Todd est une tragédie. Du fait de l'âge encore jeune du protagoniste, de ce froid réalisme qui le recouvre, de ce duo macabre tout simplement génial avec Helena Bonham Carter, où tout se comprend en un seul regard. Il profite d'elle, il ne s'en préoccupe pas tant qu'elle ne l'aide pas, prêt à tout instant à la tuer, elle ne tend qu'à une relation, même si déjà fatiguée, désillusionnée, même si pas celle qu'elle aurait pu espérer. La tension est là, latente, pendant toute la durée, leurs duos chantés sont mes préférés. Pour une fois, d'ailleurs, nous n'avons pas droit à du Danny Elfman, mais la musique reste dans le ton, parfois sautillante, parfois lancinante, hyper présente pendant tout le film. On revient aux traditions, au réel Musical, le film où les scènes de chants racontent bien quelque chose, et non ne sont que d'absurdes numéros sans grande valeur pour l'histoire en général, venant plutôt couper des dialogues parlés. Ici, elle accompagne partout, elle reste en tête, elle s'allie parfaitement à l'image, et les acteurs, tous autant qu'ils sont (Edward Sanders, hallucinant), sont tout simplement .. brillants !
Alors, voici encore une révérence à Burton, l'un des rares cinéastes pouvant nous déployer pareil univers. Il n'est pas parfait, certes, il a des hauts et des bas, souvent très critiqués, mais Sweeney Todd est indéniablement dans le haut.