Cimarron (La ruée vers l ‘Ouest) est le dernier western réalisé par Anthony Mann, genre dont il est devenu l’un des maîtres. En transposant à l’écran le roman d’Edna Ferber, admirant beaucoup John Ford (son réalisateur préféré) il s’inspire dans la première partie de « 3 Bad Men » (Trois sublimes canailles) que ce dernier réalisa en 1926. C’est incontestablement les meilleurs moments du film, Mann ayant gardé son sens de la mise en scène efficace. Mais trop souvent, les cadrages et mouvements de caméra semblent convenus et les rares surprises proviennent essentiellement de l’action (la ruée vers l’Oklahoma), même si la version de Ford réalisée 34 ans plus tôt semble plus innovante et plus moderne, le Metrocolor en moins. Homme de gauche, comme le montrent certains de ses thèmes et le fait de faire travailler des personnes black listées, Mann peine dans la description humaniste des personnages et semble s’éloigner de son maître alors que Wesley Ruggles dans son adaptation de « Cimarron » en 1931 en copia nettement le style. La deuxième partie du film, en suivant le roman à la manière d’un roman feuilleton-saga familiale historique, traîne en longueur et supporte mal la comparaison avec celui de Ruggles, dont globalement le métrage est plus conforme au découpage temporel du roman avec 122 minutes contre 147 chez Mann. Au débit, Maria Schell étonnement peu maîtrisée par le réalisateur (dont l’excellente direction d’acteur n’est plus à vanter) ne parvient pas à faire oublier Irene Dunne (dans un de ses meilleurs rôle, il est vrai). Elle est particulièrement agaçante et sur joue, comme par exemple dans la scène du bal. Malgré le travail précis de la remarquable équipe de la MGM et la photographie magnifique de Robert Surtess, qui venait de gagner un Oscar pour « Ben Hur », l’ensemble est inégal, surtout la seconde moitié. Pourtant le personnage de Tom Wyatt (Arthur O'Connell parfait) dont l’évolution démontre le rapport entre la violence et l’argent (comme dans « Géant », autre roman d’Edna Ferber), inspire le réalisateur qui livre ainsi les seuls moments digestes de cette partie, avec la question de la liberté de la presse en parallèle de la toile que le pouvoir financier et industriel tisse sur la politique. Pour la première fois Mann a un budget conséquent, et c’est dans les parties les plus coûteuses qu’il réussit le mieux, échouant dans une de ses spécialités : le cercle restreint, limite huis-clos, par manque de décision (choisir c’est renoncer), se perdant parfois dans des dialogues trop long, un découpage relâché et une fin bâclée. Dommage que cet immense directeur de westerns termine dans le genre avec cette réalisation mitigée.