Ah, de l’absurde. Quand c’est français, aux racines des grandes comédies, c’est encore mieux. C’est très burlesque, directement hérité du Landru chabrolien (1963), sauf qu’Étaix préfère un côté semi-sketch à une linéarité buñuelesque – si l’on prend Le Charme discret de la bourgeoisie comme repère ultérieur (1972).
Entre le début de Chabrol et la fin de Buñuel, au niveau de l’inévitable charnière soixante-huitarde dont Étaix souffrit, le clown national était entre deux époques, fidèle à son idée de conserver la tradition cinématographique mais obligé de mettre son œuvre en contexte. Le résultat est un « quand » malmené au possible : scènes ultra-longues, flash-forwards, flashbacks, métrage hésitant et fin brutale sont les symptômes de sketches mal ajustés qui sont souvent capables du meilleur (la séquence du rêve est somptueuse, que ce soit en termes musicaux, d’éclairage, de technique – des lits sur la route, quand même ! – ou de thème) mais aussi parfois de créer un ennui bête parce qu’il sera juste venu de la lenteur.
Cette lenteur malhabile, on la doit peut-être au fait – rare à l’époque – qu’il fut réalisateur et acteur à la fois. Le Landru évolue sur le court terme de la narration mais pas sur le long terme de l’ellipse ; c’est comme une tentative de saynète à l’italienne qui ne cherche pas la concision et ne sait pas mesurer l’étouffement conservatiste enserrant ses personnages. Par contre, c’est là aussi que s’effectue la cimentation du malheureux gendre dans sa nouvelle famille, jamais éloignée de lui de plus de deux étages, et pour une fois représentée au cinéma dans sa forme la plus subissante et malaisante.
Et puis, d’un coup, Étaix fait rire. S’il faut vraiment y voir des sketches, il ne faudrait pas s’attendre à une constante, mais il y en a bien une : ce jeu de l’absurde qu’il s’autorise pour constamment impliquer l’imagination au premier degré (ainsi que le rêve, on l’a vu), c’est une sacrée prise à laquelle s’agripper.
Le propos est inchangé aussi : le grand amour, on le cherche, puisqu’il n’y a finalement rien d’autre qu’une molle infatuation bourgeoise et l’étincelle d’affection du mi-vieux protagoniste envers une jeunette (et les interventions de l’ami peinent à établir un semblant de complétude dans son effrayante routine), mais il faut y voir un grand sentiment fortement étalé sur tout le temps que demandent l’attente et la frustration, ce revers à la pièce romantique justifiant, sur le tard, que tout soit haché et entrecoupé, car n’est-ce pas comme cela qu’on éprouve ?
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