Des les premières minutes, le film de Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard nous immerge dans une atmosphère lente hypnotique absolument envoutante. Les phares de voitures sur l'autoroute, les péages, les parkings, les centres commerciaux, les villes nouvelles et leurs zones industrielles apparaissent presque comme étrangers et l'on pense particulièrement à un film comme Blade Runner, à la différence qu'ici, nous ne sommes ni dans le futur, ni dans un film de science-fiction, mais plutôt dans une espèce d'inquiétante poésie urbaine...
Le fantastique, ici, nait du banal, du quotidien du décor autant que de ce lent glissement d'une femme de 47 ans (Dominique Blanc, prix d'interprétation à Venise amplement mérité: géniale !) vers la schizophrénie à la suite d'une rupture qu'elle a pourtant souhaité et provoqué.
Comme dans leur précédent film, Dancing, le duo de réalisateurs fait survenir la bizarrerie d'abord de manière furtive, presque imperceptible. Puis, en maintenant tout de long ce rythme d'une extrême lenteur, ils parviennent à créer une véritable tension, un suspense, qui ira jusqu'à la terreur d'une scène climax pourtant dévoilée dès le début du film, puis répétée à la fin, après de longs flashbacks.
L'autre est un film difficile, qui exige beaucoup de son spectateur, autant par ce rythme décceleré peu habituel au cinéma, mais aussi par une structure narrative assez éclatée et parcellaire qui en rend ma lecture d'autant moins aisée.
L'autre est donc un film qui se mérite, d'abord, mais qui, lorsqu'il s'offre plus pleinement, révèle des splendeurs inédites et d'immenses plaisirs de cinéma.