Le sujet est souvent intime avec Stephen King et ses personnages marginaux. Le cœur de son discours réside dans l’approche de ces protagonistes qui flirtent inconsciemment, voire frontalement, avec la frontière du fantastique. Ici, la mort est catalyseur d’un récit intime entre un père de famille et la condition humaine. Mary Lambert se penche alors sur son second long-métrage avec beaucoup d’assurance, sachant qu’elle a bien été épaulé par l’auteur en personne. Si l’adaptation de ce dernier peu manquer un peu d’audace dans le développement de certaines relations, la mise en scène parvient à générer le ton qu’il faut pour nous captiver.
Sans surprise, la famille Creed désireuse de vivre en campagne devra affronter une routine impitoyable, celle d’une route sans foi ni loi. La folie de la pédale fait que les camions rasent la portion qui sépare leur nouveau domicile de leur mystérieux voisin. Pourtant, la vie semble bien belle pour les parents, avides d’entrevoir de nouveaux horizons. Louis (Dale Midkiff) et Rachel (Denise Crosby) forment alors un couple qui tient sournoisement leurs émotions dans leur chair. Mais les deux évoquent en quoi la peur les a conditionnés à rester grouper et à protéger ce qu’ils possèdent. Sur le moment, il n’y a que leurs enfants Gage et Ellie qui comptent… et un chat capricieux, soi dit en passant. L’impasse est pourtant inévitable, c’est alors qu’entre en jeu, Jud Crandall (Fred Gwynne), ce voisin qui partage son expérience avec la mort, épisode bien sinistre, qui semble le rattraper.
Une fois ce premier acte d’exposition passé, il faudra bien exploiter l’angoisse et la raison des personnages, comme des spectateurs. C’est pourquoi on nous ramène rapidement aux questionnements vis-à-vis de l’enfance et ce rôle de père de famille. Or, Louis sera confronté à la foi et un pouvoir surnaturel qui le dépasse. Comme le docteur Frankenstein, il ne tardera pas à tutoyer la divinité avec maladresse. L’Homme est curieux et l’Homme voudra toujours plus par cupidité ou par passion. Aucun des points cités ne semble épouser la démarche d’un père qui cherche la réparation mentale, en passant outre les barrières morales qui se dressent devant lui. Certaines « forces » sont inarrêtable et il faut parfois se montrer raisonnable et vivre au mieux avec. Dès lors qu’il n’a pas pris assez de précautions afin de se préserver du vice, il sombre alors peu à peu dans la tombe qu’il s’est creusé.
Si la vie est aussi précieuse que la mort, il faut savoir s’acquitter de la souffrance afin de ne pas troubler un certain équilibre. La cellule familiale en témoigne par la tragédie d’une mère, l’apprentissage d’une fille et son frère, puis la colère d’un père. Se croire plus fort que Dieu, c’est avant tout perdre la foi en ce dernier rempart morale. Notons également que Louis ne s’éloigne pas de la description d’un enfant en quête de « satisfaction ». Il est d’ailleurs le plus apte à répondre de ses actes de bienveillance, mais le moins apte à en comprendre les limites. « Simetierre » réussit donc dans l’horreur et donc dans l’ambiance qui s’installe autour des protagonistes, trop ordinaires pour affronter un mal qui vient de l’intérieur comme de l’extérieur. L’intrigue aura beau se justifier de bout en bout, parfois dans des mises en scène stupéfiantes et nécessaires, il faut lui reconnaitre quelques faiblesses dans l’adaptation d’un récit qui court trop vite au démarrage. Toutefois, il n’est guère décevant de contempler la chute des hommes, hantés par le désir de l’interdit, afin d’en étudier les nuances et les horizons qui nous serons à jamais fermés dans l’inconnu.