Réalisé par le grand Alfred Hitchcock, "La Mort aux trousses" est un ovni, considérablement avant-gardiste pour son temps. Sorti en 1959, ce film place Cary Grant dans le rôle du publiciste Roger Tornhill, enlevé à la suite d'un malentendu et suspecté d'être un autre homme, George Kaplan. Tous les éléments sont réunis pour produire un film d'exception : l'acteur charismatique, la femme fatale, la musique titanesque de Bernard Hermann, ou encore un générique dont seul Saul Bass connaît la formule. Ce film est différent de tous les autres Hitchcock : c'est une superproduction de la MGM (le budget a dépassé les 4M de dollars) dans laquelle certaines séquences sont à couper le souffle. On voyage d'un endroit à un autre à un rythme effréné, et le tout marque par son uniformité finale. Eva Marie Saint joue parfaitement la blonde hitchcockienne, avec le côté énigmatique cher au maître du suspense. Le méchant interprété par James Mason est un homme raffiné et pourtant particulièrement inquiétant. C'est une réussite quasi-totale pour Hitchcock, qui place son savoir-faire au service d'une intrigue des plus ambitieuses. Certaines séquences restent inoubliables
(celle de l'avion, le premier dialogue avec Eva Marie Saint dans le train, les incidents aux Nations Unies)
car maîtrisées à la perfection. Il semble, comme pour un nombre important de films de Hitchcock, que les acteurs soient en adéquation parfaite avec leur personnage. Alors oui, cette oeuvre est à ranger dans les plus grands chefs d'oeuvre du maître du suspense, mais quelques aspects du film sont regrettables. Quelques longueurs sont présentes, principalement dans la seconde partie du film, mais il y a surtout la présence d'une surenchère que l'on ne connaît d'habitude pas chez le réalisateur. Avec des moyens considérables, "La Mort aux trousses" tend à vouloir toujours plus stupéfier le spectateur, quitte à faire des choix parfois douteux : le choix de tourner avec des décors du Mont Rushmore n'est pas des plus judicieux, et cela surprend quand l'on connaît la maîtrise d'Hitchcock pour tourner dans des lieux rudimentaires ("La Corde", "Fenêtre sur Cour"). Cet aspect du film ne doit pas faire oublier le reste, avec un spectacle comme seul Hitchcock sait nous en servir, à couper le souffle. Le film a marqué l'histoire du cinéma en s'ancrant dans les mémoires au fil du temps. Il est toutefois un cran en-dessous des deux mastodontes qui suivront, respectivement en 1960 et 1963 ("Psychose" et "Les Oiseaux").