Tout commence par la présentation de la journée type d'un chauffeur de Taxi, musiques douces, routine ennuyeuse, personnage peu charismatique, qui se laisse aller à son petit bonheur quotidien, sans chercher plus loin. Mais cette journée ne va s'avérer pas si singulière, puisqu'il va faire deux rencontres qui vont changer sa vie. La première, celle d'une femme, avec qui on va entrevoir le personnage plus en profondeur, lui et sa joie de vivre, lui et ses rêves, mais surtout lui et ses doutes. Et tous ces visages présentés lors de cette rencontre seront décuplés et approfondis lors de la deuxième rencontre de la soirée. Celle d'un homme aux cheveux blancs, mystérieux, le regard déterminé et une confiance infinie en lui. Une autorité immédiate qui se dégage lors du premier échange entre les deux hommes. Echange durant lequel Max insistera finalement pour le prendre à bord, premier coup du destin. Ce personnage se dévoilera en réalité comme étant un tueur à gages, et pour réaliser ses missions, il n'aura besoin que de son arme, et bien sûr, de son chauffeur. C'est ainsi que Max va être entraîné malgré lui dans une course folle à travers les rues de Los Angeles. Cet homme au sang froid irréprochable ne voit pas la vie comme le commun des mortels, et il ne la voit certainement pas comme Max, puisque ce dernier croit profondément au sens de la vie à l'état pur, du partage innocent. D'abord coopératif sous la menace, il va essayer de raisonner continuellement son passager. Il parlera de morale, de conscience, de justice. Vincent l'écoutera comme on écoute un enfant naïf, interprétant les éléments de son discours d'une toute autre manière. S'ensuivront alors diverses situations où les deux hommes seront parfois très proches, et pourtant aux antipodes l'un de l'autre dans leur manière d'être. Non, à aucun moment ils ressentent une forme d'empathie l'un envers l'autre, bien au contraire (encore que, cela peut être contesté), mais il y a quand même un lien qui s'instaure entre eux. Un lien qui va s'afficher clairement sous nos yeux, entrecoupé de scènes d'actions parfaitement réalisées et d'images toutes plus justes, profondes, sombres, et somptueuses les unes que les autres. Les quartiers de la ville de Los Angeles dévoilés dans leurs formes nocturnes sont de véritables bijoux esthétiques. Je ne parle pas ici de paysages magnifiques, mais d'une atmosphère propre à cette histoire, qui va accompagner les personnages et qui va donner au cadre un aspect bien particulier. Le travail artistique qui se trouve derrière ce film, pour coïncider avec la philosophie ambiante, est effectué à la perfection, et rend le tout très uniforme. A mesure que le film avance, nous nous rendons compte que Max va finir par tirer quelque chose de Vincent, il va puiser en son dégout de la cruauté de cet homme une forme de détermination, comme si en voyant la mort d'aussi près, il se rendait compte que l'instant présent n'est pas fait pour attendre le suivant, mais pour être vécu. C'est ce pragmatisme et cette confiance qu'il va faire naître (ou renaître) chez lui au contact du meurtrier. Le point clé du film, d'un point de vue philosophique, reste ce discours entre les deux hommes, juste avant d'entrer dans le dernier tiers de l'histoire. Tous les deux dans le taxi, ils vont se mettre à parler de la vie, à confronter leurs points de vue. Vincent aura une vision très pessimiste, presque inhumaine, considérant les êtres humains comme des êtres insignifiants, dépendants d'un espace infini dans lequel ils n'ont finalement aucune importance. La psychologie de cet homme atteint son paroxysme avec la définition qu'il émet de l'espèce humaine : "Nous ne sommes que des tâches inutiles dans l'univers". Cela fait longtemps qu'il ne croit plus en rien, qu'il n'a plus aucune éthique. Le passage où la voiture s'arrête et où des loups traversent alors la rue est par ailleurs un véritable symbole. A ce moment là, accompagné par la musique qui donne le rythme à la séquence, nous sommes coupé du film, nous voyons successivement les yeux de Max et de Vincent, et on perçoit la vie à l'état pur, tout comme eux : La vie animale, belle et innocente, qui nous aère quelques instants, de la noirceur et du pessimisme omniprésents. dans ce film, ce que je préfère retenir avant tout, c'est qu'il n'y a pas de bien et de mal, mais juste des êtres avec des buts et des modes de pensées qui divergent. Vincent aura éduqué Max, plus que quiconque, lors de ce court moment de vie partagé. Et lors de ce court moment de cinéma, nous aussi, nous aurons appris des choses. La fin s'engage quant à elle sur le thème de l'ignorance créé tout au long du film par Tom Cruise, et qui en connaîtra sa propre définition, dans une scène qui jouit encore d'une bande-son intelligente pour y puiser une dimension supérieure, qui conclu cette expérience cinématographique de bien belle manière.