Il est des pays où les gens doivent appeler le taxi pour qu’il vienne à eux. Aux Etats-Unis, ce sont les taxis qui vont à la rencontre des clients : ils circulent au fil des rues au hasard, à l’affût du geste qui provoquera la mise en marche du compteur. Au petit bonheur la chance, quoi… A aller au-devant de la clientèle, il arrive aussi parfois qu’on aille au-devant de gros problèmes. C’est le cas de Max, qui a choisi de ne travailler que la nuit, pour bénéficier d’une clientèle moins stressée et accessoirement plus encline à la discussion, en supplément d’une rémunération majorée, ce qui n’est pas négligeable non plus, surtout en ce qui le concerne. Nous sommes à Los Angeles, pour vivre un thriller captivant comme sait si bien le faire Michael Mann. Par un début gentillet et non moins plaisant, la psychologie de ce chauffeur de taxi afro-américain est suffisamment développée. Cet homme, perdu au milieu d’un parc de 4 000 véhicules, a des rêves qu’il espère réaliser un jour et s’y raccroche à chaque moment qui lui est offert, aspirant à une vie prospère et tranquille. Alors que la nuit a commencé sous les meilleurs auspices, c’était sans compter sur la prise en charge de Vincent, un homme à la fois austère et avenant, aux allures d’homme d’affaires. S’en suivra un road movie bien rythmé, tendu à souhait, avec un duo formé par Jamie Foxx et Tom Cruise. Ce duo inédit porte le film sur les épaules, grâce à une étonnante opposition de style : deux personnages que tout oppose, l’un espérant vainement de monter son business dans les règles de l’art et sans rien demander à personne, et l’autre qui fait un job pour vivre. Les deux sont discrets et ne veulent pas faire de vague, mais pour des raisons tout à fait différentes. Et leurs deux interprètes sont au top, Tom Cruise incarnant un gars gentil et pourtant capable de la plus grande violence, et Jamie Foxx jouant ce chauffeur de taxi de nuit effrayé, et il y a de quoi. Pour autant, leur périple nocturne va les rendre presque intimes… En prenant du recul, le pitch est des plus simples. Mais l’écriture du scénario, la mise en scène, le montage, et la musique rendent le tout incroyablement immersif et incroyablement prenant, réduisant les 120 minutes du film à un feu de paille étourdissant. Un film parfait, alors ? Presque ! Et tant pis si je me fais quelques ennemis, mais il faut être honnête : il y a bien une ou deux incohérences qui traînent, ce qui m’étonne de la part de Michael Mann, d’ailleurs…
D’abord on voit Max rater sa cible sur sa dernière mission alors qu’il est un tireur hors pair, capable de loger plusieurs balles exactement au même endroit, à quelques millimètres près bien sûr. Bon d’accord, il est blessé, je vous l’accorde, mais ça ne l’empêche pas de monter dans le métro en marche par la porte d’extrémité située en queue de rame comme qui rigole ; normalement, ces portes-là sont verrouillées pour empêcher quiconque d’avoir un accident ou de se suicider.
Rien de bien grave après tout, "Collateral" reste excellent, bien qu’il perde un peu de sa crédibilité sur ces petites incohérences somme toute mineures. Un film où les seconds rôles sont d'importance, notamment Emilio Rivera dans la peau d'un flic aussi tenace qu'un pitbull énervé.