Plutôt adepte du cinéma de Boisset, je dois avouer que sur ce coup il déçoit. Le métrage est par bien des aspects trop approximatif. Alors oui, il est plutôt bien rythmé, oui il y a une violence graphique qui fait plaisir, oui il a une certaine radicalité avec des personnages troubles, même chez les « gentils », et oui Senta Berger est superbe, mais ça ne suffit pas forcément à convaincre. Sur la forme par exemple, si j’ai apprécié les décors, l’ambiance marseillaise, si on visite bien, notamment à l’occasion de courses poursuites et de déambulation diverses, il faut avouer qu’il y a quand même pas mal de faux-raccords, de séquences montées à l’arrache au point que ça donne l’impression d’avoir été fait un peu à la va-vite. Peut-être était-ce pour renforcer le côté speed, mais c’est pas très heureux.
En parlant du côté speed, le film démarre sur les chapeaux de roue, en posant très peu les enjeux, ce qui fait qu’on s’imprègne pas franchement des conflictualités marseillaises, et le final est tout aussi abrupt. L’intrigue en elle-même est typique des films politiques de cette époque. Elle reste assez convenue, et l’on se rabattra surtout sur le plaisir simple d’une vengeance violente que mène le héros contre la pègre, sujet de nombreuses fois rebattues depuis, mais exécuté à la française dans une approche « film noir » plutôt que film d’action. Une touche d’exotisme pour assaisonner le tout, quelques rebondissements inattendus (ou pas !) pour pimenter une intrigue minimaliste, et l’on a une formule divertissante mais trop facile. En vérité, le héros n’a que très peu d’opposition, ce qui fait que ça patine un peu dans la tension proposée, et au moment où on se dit qu’il va peut-être se faire enfumer, ben non… Dommage.
Côté interprétation, je salue la prestation de Sterling Hayden, très bon dans son rôle de pote du héros, celle de Senta Berger, resplendissante et avec un personnage intéressant mais sous exploité, et celle de Gordon Mitchell, tueur patibulaire qu’on voit trop peu dans le film alors qu’il aurait un antagoniste de premier plan pour une confrontation finale par exemple. A mon sens, le point faible du film c’est Jean Yanne, et plus que Jean Yanne, son personnage. On ne le sent ni véritablement ému par son sort, ni véritablement remonté côté vengeance, il traverse le film avec une sorte de froideur apathique qui peut parfois s’entendre, mais qui malgré tout n’arrange pas les affaires d’un film pas déplaisant mais qui manque de profondeur, de relief, d’émotion alors qu’il devrait y en avoir entre les éclats de violence.
Côté bande son, c’est correct, mais la partition ne me restera pas plus en tête que cela malgré le travail signé François de Roubaix.
De mon point de vue on tient un film sympathique car assez violent, assez rythmé, plutôt intéressant pour ses décors et son ambiance, et l’amateur de petits polars méchants trouvera son compte, assurément. Maintenant ça manque d’épaisseur, ça manque de profondeur, ça reste en surface des choses. C’est une petite série B, et ce, malgré les efforts de Boisset pour en faire un film politique et dénonciateur fort. On est très loin de l’ambition des films américains du même genre, et on est même loin des films de Boisset dans le même esprit et plus tardifs. 2.5