Selon son propre témoignage, Fritz Lang refusa poliment d'être à la tête du département cinéma du ministère de Goebbels et peu de temps après "Le testament du Docteur Mabuse", il fuit l'Allemagne nazi pour la France. Il fuit un parti qui lui a déjà "pris" sa femme mais aussi son cinéma en le modifiant ("Die Nibelungen") ou en l'interdisant ("Le testament du docteur Mabuse", entre autres). À l'image de Billy Wilder il fait escale en France pour réalisateur un film avant de s'exiler à Hollywood rejoindre d'autres de ses compatriotes (Lubitsch, Von Sternberg...).
Ce film c'est "Liliom", qui est à la base un livre de Ferenc Molnar sorti au début du siècle et déjà adapté au cinéma par Frank Borzage en 1930. On y suit Liliom, un jeune homme un peu feignant, grande gueule, forte tête et qui rencontre un succès auprès de ses dames. Il va peu à peu rencontrer une jeune bonne un peu naïve dont il va tomber sous le charme...
Assez vite, on a l'étrange sensation de se retrouver devant un film de Fritz Lang très et trop léger avec l'impression d'une ambition revue à la baisse, surtout en comparaison à ses précédents films. Puis, peu à peu, cette impression se confirme avec un film plutôt sympathique mais qui paraît très loin de ce que le réalisateur allemand est capable de faire. Il met en scène un scénario abordant des thèmes intéressants mais peu développés comme les oppositions de classe sociale (contrairement au thème de la culpabilité sur lequel le film est (trop) axé) et surtout des personnages qui sont trop caricaturaux, ce qui devient assez gênant pour certains d'entre eux et surtout pour la patronne de Liliom dont l’interprète est complètement dans le surjeu.
Lang décide d'enlever une partie de la magie de son film et de plus l'accentuer sur l'humour que la partie fantastique et là aussi, le réalisateur allemand ne convainc qu'à moitié. S'il trouve des situations franchement excellentes, c'est assez inégal tant d'autres sont vaines et sans saveur. Finalement la partie "fantastique" n'intervient que dans la dernière partie du film. Si c'est dommage qu'elle traîne un peu en longueur sur la fin, elle est néanmoins bien faite et apporte une petite touche poétique non négligeable.
L'ensemble est plutôt bien rythmé et excepté une fin trop longue, on ne s'ennuie pas, Lang gère bien les péripéties. Dans le rôle de Liliom, Charles Boyer est excellent en cruel séducteur dans un sur-jeu qui est ici la bienvenue tant il ne tombe pas dans le ridicule et qu'au contraire il est assez charismatique. Les effets et trucages sont aussi assez charmants, surtout dans la représentation du monde des morts.
Bref, on ressent assez vite que c'est un film de passage, une étape entre l'Allemagne et les USA et si c'est clairement un Lang oubliable et peu marquant, il est néanmoins sympathique et assez charmant et se laisse gentiment regarder.