À ma surprise, The Village a un peu de mal à convaincre. Sans doute, me dis-je, parce qu'avec ses ficelles de conte de fée doublées de quelques coups de théâtre communs, il a une tendance à uniformiser le charisme de ses acteurs. En effet, le décor a beau être magnifique, il est plus que réchauffé : The Village est littéralement le cliché du village hanté de l’ancien temps, avec ses mythes, ses mécanismes et même son "idiot du village" qui donnent l’impression d’ensemble qu'on est en train d’assister à une partie de loup-garou. Cependant, pour l'avoir vu deux fois à 12 ans d'écart (tiens, la moitié de mon âge actuel), je vois qu’au-delà de sa simplicité de forme et le léger gâchis venu d'un conformisme volontairement poussé trop loin, Shyamalan est bien lui-même et se plonge corps et âme dans la psyché humaine.
La première fois, le film m'avait fait vivre très vivement cette expérience d'un individu qui se rend compte qu'on l'a conditionné toute sa vie, et que la terreur dans laquelle il a grandi était une illusion. Même lorsqu'il apprend qu’il en est ainsi, la peur qui l’a toujours habité le guide encore, et la connaissance de la vérité, seule, ne lui suffit pas à s'en libérer. C'est cette sensation gluante et étouffante d'une manipulation profonde qui avait le plus suscité d'horreur chez moi qui, comme les personnages, avais d’abord eu peur des créatures. Manipulé moi aussi, j'avais émergé du film comme d'une longue apnée, d'un cauchemar au sens propre puisqu'il m’avait convaincu d’un danger ne revêtant finalement rien de réel.
Le film explore donc des mécanismes psychologiques avec une naïveté sincère, et le choix de représenter un village hanté stéréotypique est un choix artistique clair, un trompe-l’œil convaincant (c’est Shyamalan, après tout), à défaut de permettre des interactions entre personnages qui concilient passéisme et surréalisme avec beaucoup de succès. Mais surtout, il y a dans cet environnement (la petite communauté, les bois sombres, les superstitions) les éléments d'une peur enfantine et familière dans laquelle on se retrouve tous. Ajoutée à ce sentiment (que je n’ai jamais trouvé nulle part ailleurs que chez Shyamalan) d’ouvrir soudain les yeux, cette familiarité fait que je ne peux pas renier The Village, qui reste pour moi une grande expérience de cinéma.