Je l'ai regardé pour la cinquième fois, et puisqu'il est toujours aussi bouleversant après cinq visionnages, j'en conclus que l'on est bien face à un chef d'oeuvre. Je suis atterré par cette moyenne si basse, pour ce film d'une grande beauté et d'une grande profondeur. Alors, certes, ce n'est pas à proprement parler un film d'épouvante. Il n'y a pas d'horreur, et il doit y avoir seulement deux scènes d'angoisse pure avec l'attaque de ceux dont on ne parle pas. Mais le centre du film est ailleurs : c'est un film sur le repli vers les traditions, avec toutes les ambiguités que cela occasionne. Jamais Shymalan ne juge ses personnages : il montre le chagrin qui les anime tous, leur humanité, mais aussi leurs doutes incessants. A ce titre, les acteurs sont formidables : Joaquin Phoenix, William Hurt, Sigourney Weaver, et l'incroyable Bryce Dallas Howard, assez rare à l'écran. Que dire de la mise en scène ? Fantastique, éblouissante. La plupart des plans sont des plans-séquences. Autant dans certains films de Shymalan, le recours aux plans-séquences plombent le rythme. Ici, ce n'est pas du tout le cas. Chaque plan est l'occasion de mettre en scène les conflits et les amours entre les personnages. Notons aussi un travail sur le son très inventif : le réalisateur fait feu de tout bois (bruit des mouches, claquement d'un drapeau, d'une branche dans la forêt). L'ambiance est tellement soignée que ce Village est devenu reconnaissable du premier coup (voir la parodie dans Scary Movie 4). Et je pourrais m'étendre encore sur les innombrables qualités de ce film unique, mais le mieux est encore de vous inviter à le regarder, en mettant de côté vos envies de film d'horreur. Sachez que d'horreur, il n'y en a pas, il y a juste un conte philosophique, typique des films post 11 septembre sur les valeurs de l'Amérique. Et, par dessus tout, un conte philosophique universel. Le film aurait pu sombrer dans le ridicule, façon La Petite Maison Dans La Prairie, mais Shymalan flirte avec le mièvre sans jamais tomber dedans. Un coup de maître, le film incompris par excellence.