Et si Bob Dylan n'existait pas? Et si c'était un mythe, un fantôme, une figure allégorique? Après avoir vu "I'm not there", plusieurs seront tentés de le croire. Pourtant, ce qui semble pure invention dans cette folie filmique a réellement existé, chaque détail étant tiré de la "vraie" vie de Dylan. Le facétieux Todd Haynes écrit ici une nouvelle page de l'histoire du cinéma avec un biopic atypique. Et encore, ce n'est pas un biopic. Mais qu'est-ce alors? On ne sait pas. Un ovni peut-être, un film qui, comme son auteur, se réinvente constamment, qui fusionne sans arrêt pour perturber son spectateur et l'emporter dans un spectacle des plus confondants (il peut être dur de croire que ces six acteurs incarnent un même tout, et pourtant parfois on y croit). Car Dylan, c'est aussi eux, ces acteurs d'exceptions, dont le jeune Ben Wishaw (dont on constate avec soulagement que son rôle de Jean-Baptiste Grenouille ne lui colle pas à la peau), mais aussi la découverte Marcus Carl Franklin, mais surtout elle, Cate Blanchett (qui, malgré un compteur qui tourne à quatre films par an, peaufine ses choix). Un rêve les yeux ouverts, orchestré par l'un des meilleurs cinéastes indie, le toujours bordeline Todd Haynes. En optant pour une trame proche de son fabuleux "Velvet goldmine", il met en place un chaos coordonné sur la quête d'identité et des troubles de la célébrité, qui témoigne d'un savoir faire de la réalisation bluffant, composant un portrait avec des touches de western, biographie classique, road-movie, et ajoute une corde à son arc après avoir excellé dans l'art du mélo ("Loin du paradis"). D'ailleurs, Haynes, c'est un peu Dylan, un zozo aux mille facettes, capable du pire comme du meilleur. Son film est loin de la perfection, surtout sur le plan rythmique, inégal dans l'alignement foutraque de ses séquences. Et pourtant, dans ses plus belles séquences, il s'agit d'un monument du cinéma moderne, doublé d'une ode à la créativité, même la plus folle. Dont act.