LE film de l'île déserte. Plus on regarde ce film, plus on l'aime. Le plus shakespearien des films d'Ingmar Bergman, ou plutôt, un film qui fait de Bergman notre Shakespeare à nous, les chanceux qui jouissons du cinéma et de la télé, en plus du théâtre, qui est là, tout près, avec ses dialogues, son amour des acteurs, son rythme si particulier, privilégiant l'alternance des scènes comiques, légères, avec celles du drame, de l'abîme. Des personnages de chair et d'âme, pour employer les grands mots, qui ne furent jamais si nécessaires ! Et l'illustration désespérée de cette idée déjà là chez Stendhal : " De tous temps les vils Sancho Pança l'emporteront à la longue sur les sublimes Don Quichotte". La troupe de Bergman est elle aussi sublime, et Bergman le sait, pour filmer ses comédiens avec tant de tendresse, Naima Vifstrand, Gunnar Bjornstrand, Bibi Andersson, et bien sûr Ingrid Thulin , Max von Sydow, et tous les autres, parce qu'il n'y a pas de petit rôle chez Bergman. Chaque scène émerveille par son invention et sa simplicité. Quant à la pirouette de la fin, une happy end qui stupéfie les personnages eux-mêmes (l'imperceptible glissement de l'humiliation prête au pire au triomphe inespéré sur le visage de Max von Sydow !), elle est là pour nous dire: ils s'en vont à présent vers de nouvelles aventures ! Et qui m'aime me suive! Volontiers!