"Outrages" fait partie de ces films plus ou moins oubliés qui valent pourtant le détour. Sur une mise en scène remarquable de maîtrise, Brian De Palma révèle que les américains n’ont pas toujours été des enfants de chœur lors des différentes campagnes armées. Inspiré d’un fait réel repris par l’écrivain Daniel Lang dont le roman a servi de support au scénario, le sujet de ce bien nommé film a pour cadre la guerre du Vietnam. Outrages : oui je crois que c’est effectivement le terme approprié. Outrages envers le genre humain, outrages envers les droits de l’Homme, outrages envers son engagement envers l’armée, outrages envers la Constitution des Etats-Unis. Parce que ces bons américains sont eux aussi capables des pires exactions. On le savait, personne n’est dupe, surtout quand les bruits de couloirs s’amplifient au fil des affaires qui s’accumulent. Mais quand on prône autant de bonnes valeurs, l’admettre est difficile, et l’avouer encore plus. Alors le plus souvent, c’est la politique de l’autruche qui est le plus souvent observée. En 1989, De Palma brise donc le silence par le biais du scénario de David Rabe. Les premières images ne laissent en rien augurer de ce qu’il va se passer malgré des notes encore une fois géniales du maestro Morriconne. Car "Outrages" a la particularité d’avoir été mené selon le concept d’un mauvais rêve, d’un mauvais souvenir, les deux à la fois. Enfin chacun ira de son interprétation. Et c’est un film particulièrement réussi, intégrant habilement la dramaturgie au genre de guerre. Même je dirai que le drame prend le pas sur la guerre. Le résultat est sans appel : l’intrigue est poignante. Il faut dire que le casting est impeccable. Pour tout dire, le spectateur se voit confronté à cinq personnages à la psychologie très différente les unes des autres. Ainsi nous avons Sean Penn qui excelle dans la peau du sergent allumé à la tête de sa section ; celui-ci est par ailleurs très bien secondé par la présence inquiétante de Don Harvey en Clark dépeint comme une brute épaisse ; nous avons aussi la prestation remarquable de Michael J. Fox en soldat droit dans sa tête ; suivent John Leguizamo en soldat au caractère peu affirmé, et John C. Reilly (déjà bon à l’occasion de sa première apparition ciné) qui se situe dans le juste milieu de cette petite troupe en gars qui veut profiter pleinement des facilités qui s’offrent à lui. Au regard de l’intrigue, le rythme est parfait. Qualifié de pachydermique par certains, il n’a pourtant rien de lourd. Pas dans le mauvais sens du terme en tout cas. Au contraire, sa relative lenteur fait bien sentir la tension qui nait des rivalités, lesquelles sont créées par une perception très différente des choses. Le traumatisme provoqué par un conflit tel que la guerre du Vietnam est bien sûr clairement évoqué, dans la mesure où on vous pousse à haïr tellement l’ennemi qu’on finit par le voir partout, y compris là où il n’est pas. Il en ressort un certain manichéisme, mais il n’est en aucun cas gênant : soyons honnêtes, la plupart d’entre nous agirait comme le soldat de 1ère classe Eriksson. C’est sur cette notion que toute la tension du film repose, et De Palma a su s’en servir comme peu d’autres savent le faire : les séquences avec la jeune vietnamienne sont filmées avec une grande justesse ! Sans être excessives, elles sont violentes, et même si on ne voit concrètement pas grand-chose, elles sont bien suffisantes et ne laissent en aucun cas le spectateur indifférent et le confortent dans l’action d’Eriksson. Et même à condamner l’immobilisme de certains, mis en évidence à travers le caméo de Ving Rhames en lieutenant Reilly. Et puis comme si les paroles du Capitaine Hill (Dale Dye) avaient eu une emprise sur lui, De Palma ne s’éternise par sur le procès en ne montrant que l’essentiel le plus strict, laissant les peines au rang des faits anecdotiques. Dommage cependant que nous ne puissions entendre la dernière réplique du sergent Meserve, ce qui n’est pas plus mal car ça permet à chacun des spectateurs d’y aller de sa propre élucubration, encore que je ne sais pas trop s’il y a grande matière à équivoque. En résumé : encore une grande réalisation de Brian De Palma, portée avec un casting irréprochable. Certes les effets pyrotechniques ont un peu vieilli, mais n’oublions pas que ce film a été tourné en 1989. Pour finir, je trouve que l’interdiction aux moins de 12 ans est tout de même un peu limite : entre les scènes de violences avec la jeune vietnamienne (bravo à elle qui a su retranscrire toute la peur de son personnage), et les membres coupés… On a vu des restrictions plus importantes pour moins que ça.