Pour son septième long-métrage, faisant suite à une carrière néerlandaise dont il devait se défaire, le Hollandais violent franchit un pallier en se mettant au niveau européen. « La chair et le sang » marque pour Verhoeven son premier film en anglais. Cela grâce à Spielberg qui a su visionner le talent d’un réalisateur dont la renommée commençait à dépasser le cadre des Pays-Bas. Egalement, sa femme l’a poussé à franchir les portes d’Hollywood. Merci Madame Tours ! Néanmoins, ce septième film marque une période de transition pour Paul Verhoeven car il ne s’agit ni d’un film hollywoodien pur et dur, mais d’un film américain tourné en Europe avec des techniciens/acteurs de niveau international et national.
Le pitch de « La chair et le sang » : au XVIème siècle, des mercenaires, contribuant à la reprise du château de leur seigneur, sont renvoyés. D’une vengeance sans pitié, ils vont enlever la promise du fils du seigneur… .
Au scénario, le tandem hollandais Verhoeven/Soeteman récidive encore une fois (!) pour aligner une maîtrise d’écriture filmique et un rythme soutenu se faisant la part belle à des décors somptueux, des scènes de batailles certes approximatives mais d’une efficacité redoutable, d’une ambiance moyenâgeuse magnifiquement austère, le tout dirigé de manière flamboyante. Un « Ivanhoé » des temps modernes avec une once de Peckinpah je dirai. Sic !
Au niveau des batailles et des scènes d’action, on se retrouve en terrain connu car les obsessions de Verhoeven refont surface. Ses souvenirs d’enfance, ancrés dans la Seconde Guerre Mondiale, montrent une violence crue, implacable et déraisonnée. De même, les moments plus sulfureux (comme la scène du viol collectif) nous rebutent et nous fascinent. Cette démonstration prouve que le cinéma européen a toute sa place dans le cinéma américain. Le futur réalisateur de « Blackbook » transpose son cinéma à Hollywood tout en restant sur les terres européennes, tournage (espagnol, en grande partie) oblige ! Verhoeven ose, caricature l’Eglise, ce que les réalisateurs américains d’alors ne font pas. Tous mes chapeaux au futur metteur en scène de « L’homme sans ombre » !!
Pour parler du casting, nous avons également droit à une démonstration de force avec un excellentissime trio. Rutger Hauer (connu du grand public pour sa performance dans « Blade runner »), magnifiquement charismatique, campant un chef de bandes puissant, vénérable et quasiment divin, se fait ainsi l’alter-ego de Paul Verhoeven. Super ! Le fils du seigneur, un Tom Burlinson (trop rare au cinéma !: « L’homme de la rivière » avec Kirk Douglas) extraordinaire, représente le danger imminent du mercenaire. Et même si la convoitise est de mise, la toute jeune Jennifer Jason Leigh (« Existenz », « Les sentiers de la perdition »…), alors âgé de 23 ans !!, en impose dans le rôle de la femme promise à Burlinson. Egalement présent aux côtés du trio Hauer-Burlinson-Jason Leigh : Bruno Kirby. Il a notamment joué dans « Le parrain 2 », « Birdy », « Quand Harry rencontre Sally », rien que ça ! Un casting inédit donc, complémentaire et superbement dirigé. Merci Verhoeven !
Du côté de l’ambiance, la musique participe elle-aussi au souffle épique de ce film historico-médiéval. Basil Poledouris (« Conan le barbare ») collabore ainsi pour la première fois avec le réalisateur de « Spetters ». Le travail sur la lumière n’est pas non plus à négliger, d’autant qu’elle participe à nous noyer dans l’impureté générale (à l’image de la peste bubonique appelée plus généralement peste noire dans le langage courant) ainsi que dans les sources néerlandaises du réalisateur. Jan de Bont (« Basic instinct », « Piège de cristal »), le chef opérateur, nous régale toujours autant.
Pour conclure, « Flesh and blood » (1985), que je viens de voir pour la première fois, possède une âme atypique, l’empreinte d’un cinéaste de passions et d’obsessions dont la flamboyance égale et tutoie ses pulsions. Petit chef d’œuvre qui ouvrit la voie hollywoodienne de Verhoeven : « Robocop », « Basic instinct », « Showgirls ».
Spectateurs, infestez-vous !!