Considéré comme le premier film américain de Paul Verhoeven, La Chair et le Sang est pourtant une production américano-européenne certes tournée en langue anglaise mais filmée en Espagne avec une équipe toute aussi hétéroclite. Située dans une époque à mi-chemin entre le Moyen Âge barbare et la Renaissance, l'histoire raconte comment un groupe de mercenaires se vengent d'un seigneur cupide avant de se retrouver traqués par le fils de celui-ci. Déjà irrévérencieux dans son Hollande natale, Verhoeven démontre pour la première fois au public américain son goût acéré pour la violence, le sexe et le politiquement incorrect... Aucun héros, aucun "gentil", La Chair et le Sang présente des personnages tous plus dégueulasses les uns les autres : cette bande de mercenaires qui viole, pille et torture se retrouve filoutée par leur seigneur qui, lui, change subitement d'avis de par sa toute puissance ; son innocent fils va devenir un être tout aussi cruel lorsque sa bien-aimée est enlevée par les mercenaires, bien que cette dernière se complait finalement aux joies de la débauche et devient une manipulatrice de talent. Le réalisateur ne prend donc aucun parti, préférant livrer une aventure épique et démesurée où les évènements s'intensifient de plus en plus pour un final de grande ampleur. Entretemps, il nous montre des corps dénudés, des viols, des meurtres gratuits, des insultes comme ponctuations, de la saleté, de la décadence. Verhoeven ne se ménage pas et ce pour notre plus grand plaisir. Ajoutant ses habituels plans gore, son goût prononcé pour l'injustice et son habileté à dynamiser son long-métrage grâce à des séquences d'action envolées, le réalisateur démontre déjà une puissante maîtrise de la mise en scène, dirigeant des acteurs charismatiques autour de décors naturellement hypnotiques. Outre son habitué de l'époque Rutger Hauer, Verhoeven transcende la beauté plastique de la jeune Jennifer Jason Leigh, la fougue de l'Australien Tom Burlinson et filme de belles gueules cassées aux dents pourries et aux rires dégradants. Le long-métrage, quasiment sans temps mort, est une œuvre sale, violente, barbare, à la limite du fantastique, preuve déjà que le metteur en scène hollandais était un génie du cinéma irrévérencieux comme on en fait malheureusement plus aujourd'hui.