Uzak est l'un des trois gagnants du Festival de Cannes 2003. Tout comme Elephant, la Palme d'or, et Les Invasions barbares, le film turc a récolté deux récompenses, le Grand Prix et Prix d'interprétation masculine ex aequo pour ses comédiens Muzaffer Özdemir et Mehmet Emin Toprak. Le film, qui a fait le tour des festivals internationaux, a notamment reçu le prix Fipresci à San Sebastian.
Dans son film, Nuri Bilge Ceylan parle de la difficulté qu'ont les individus à rester fidèles à leurs convictions, à leurs rêves. "Autant que je le comprenne, Mahmut avait pour idéaux de faire des films et de la photographie d'art", explique-t-il. "Mais en commençant à faire de la photographie de publicité, il gagne de l'argent, sa vie devient confortable et il se montre paresseux. Je pense qu'autour de moi, beaucoup de gens sont dans la même situation. Le fossé entre leurs idéaux et leur vraie vie s'agrandit de plus en plus. A la fin, ils en viennent même à renoncer à tout effort en direction d'un idéal. C'est une façon de se protéger. Mahmut organise ses pensées de manière à ce qu'elles lui procurent du confort."
En décembre 2002, l'un des deux interprètes principaux du film, Mehmet Emin Toprak, cousin du réalisateur, est décédé suite à un accident de voiture qui s'est produit alors qu'il revenait d'Ankara où il avait reçu un prix d'interprétation pour Uzak. Cette disparition est intervenue le lendemain de l'annonce de la sélection du film à Cannes, où l'acteur sera récompensé.
Nuri Bilge Ceylan est non seulement le réalisateur d'Uzak, mais il en est aussi le scénariste, le producteur, le directeur de la photographie et le monteur.
Le cinéaste ne s'est entouré que de quatre collaborateurs pour le tournage de son film : "Il y avait un producteur exécutif qui faisait aussi office d'assistant et qui jouait le concierge, un ingénieur du son, un assistant chef-opérateur et un homme à tout faire qui s'occupait des accessoires aussi bien que du café ! Il n'était pas absolument nécessaire mais ça nous a aidés," explique le cinéaste.
C'est la propre femme du réalisateur, Ebru Ceylan, qui s'est occupée des décors du film. Elle joue également dans Uzak le rôle d'une jeune fille suivie par Yusuf, qui est, lui, interprété par Mehmet Emin Toprak, cousin du réalisateur. Le comédien avait déjà joué dans les deux premiers films de Nuri Bilge Ceylan, Kasaba et Nuages de mai. Le rôle de Mahmut est tenu par Muzaffer Özdemir, acteur non-professionnel et ami du cinéaste. Il était lui aussi présent dans ses précédents films.
A Cannes, Nuri Bilge Ceylan a dédié sa récompense à son compatriote Yilmaz Guney, dont le film La Permission avait obtenu la Palme d'Or à ce même festival en 1982. En Turquie, ce film avait été interdit, et le cinéaste banni. Il s'était exilé à Paris, où il est mort d'un cancer en 1984. Il n'aura jamais pu rentrer en Turquie avec le trophée obtenu pour un film qui est resté le seul long-métrage turc présenté en Sélection Officielle à Cannes... jusqu'à Uzak.
Au départ, Nuri Bilge Ceylan n'avait pas l'intention de filmer une ville enneigée : "Vous ne pouvez jamais prédire quand il neigera à Istanbul (...) Ce n'était pas dans le scénario. J'avais prévu que l'épisode du voyage photographique se déroulerait sous la neige. Mais comme il s'est mis à neiger à Istanbul, j'ai changé le scénario du jour au lendemain en inversant les lieux enneigés et ensoleillés (...) Nous avons filmé en trois jours toutes les scènes avec la neige. Mais pendant le montage, j'ai beaucoup coupé pour qu'on ne croie pas qu'il s'agisse d'un documentaire sur la neige à Istanbul !", révèle le réalisateur.
Nuri Bilge Ceylan a été photographe avant de devenir cinéaste. Il est toujours passionné par cette discipline, et réalise lui-même les affiches de ses films.